Je n’avais aucunement l’envie d’intervenir sans cette affaire en raison de l’exploitation de l’émotion qui a fait les choux gras de la presse à sensation et de TF1, comme on sait, les spécialistes de la psychologie infantile. Mais voilà que le très réputé juge des enfants Rosenczveig sort de son devoir de réserve pour crier à son tour avec la meute avec des mots insultants pour le service de l’Aide sociale à l’enfance du département du Gers. Je cite : « pratique moyenâgeuse digne de la DDASS de grandes heures », « On n’est plus du temps des Thénardier de Montfermeil. Des liens se nouent très rapidement entre l’assistante familiale et l’enfant… », « Ajoutons que c’est aussi ce qui leur est demandé par-delà le gite et le couvert. Sinon on ferait appel à un Formule 1. »
Donc, ça y est l’irresponsabilité est générale. Chacun se croit autorisé à donner son avis tranché et définitif dans cette affaire si complexe, si délicate. Et les parents là dedans ? Pourtant détenteurs de l’autorité parentale, je le rappelle. « Et bien, rien à faire ! Moa je sais mieux ! » se dit tout un chacun en postant son commentaire ici ou là sur la blogosphère à la suite d’un des nombreux papiers retentissants des bonnes âmes qui ne s’émeuvent du sort des enfants que le temps d’un buzz profitable à leur blog, à leur journal.
En ce qui me concerne, ayant travaillé plusieurs années comme attaché à l’enfance dans un service ASE, je sais combien sont difficiles à prendre ce genre de décision et que les apparences ne sont jamais simples. Je trouve déplorable la position indignée et partiale de certains médias et celle du juge précité.
Nul ne peut prendre parti dans cette affaire sans avoir minutieusement étudié tous les faits ainsi que l’historique et entendu tout le monde : parents, professionnels, juge des enfants compétent, famille d’accueil. Qui affirme l’inverse est un idiot ! Je le redis, par expérience.
Je ne prendrai donc pas parti. Je relève quand même que l’on ne parle pas des parents comme s’ils étaient pris comme partie négligeable.
Les services ASE sont loin d’être parfaits et ont peut-être commis des erreurs. Mais une famille d’accueil ne doit en aucune façon prendre la place des parents ni forcer les choses pour parvenir à ses fins (adoption souhaitée). Les assistants familiaux sont des professionnels et à ce titre ils sont tenus au devoir de réserve. Où va-t-on s’ils se mettent à tout déballer sur Facebook comme c’est le cas ici ? Quid de la vie privée de l’enfant et de ses parents ? C’est grave.
Ajoutons que le service de l’Enfance travaille pour un retour possible de l ‘enfant dans sa famille (plus probablement, chez le père) et, à défaut, au moins au maintien des liens affectifs avec ses parents. La loi l’y oblige, alors permettez qu’il fasse le travail que la loi exige de lui ! Or, il se trouve que la famille d’accueil a mis les bâtons dans les roues des professionnels en partant d’emblée sur l’idée de l’adoption (soi-disant « promise » : par qui ? Quels propos ont-ils entendus ou déformés ?) et en sabotant, semble-t-il, ce projet. Puis, loin de corriger son attitude, la famille d ‘accueil a refusé de collaborer au départ progressif de l’enfant par une préparation adéquate qui avait pour objectif de minimiser le traumatisme pour Cindy. Elle a néanmoins permis des week ends de Cindy dans une famille d’accueil relai. Elle a ainsi obligé la « méchante » « DDASS » à « enlever » l’enfant, puisque telle est désormais la version qui domine dans l’opinion qui n’aurait jamais dû avoir à se mêler de cela. Qui paie les pots cassés de cette attitude ? La gamine, hélas !
Mais j’ai bien dit que je prenais pas partie. Je le sais trop bien, il y a aussi des conflits entres intervenants qui nuisent à l’intérêt de l’enfant, une famille d’accueil peut avoir des relations bien placées qui lui donnent une vision des choses différents de celles de l’ASE… Il peut y avoir des erreurs d’aiguillage lors du premier placement (il est certain qu’un des moyens d’éviter un sur-investissement affectif est de chercher d’abord une famille d’accueil temporaire. Ce n’est pas la seule garantie, il y en a d’autres). Le point de vue de la psychologue est parfois surestimé parce plus neutre parce que plus expert…Etc.
En résumé, je n’approuve pas le juge Rosenczveig qui semble en faire une affaire personnelle parce qu’il se sent heurté dans ses convictions de gauche par la décision d’un président du Conseil général, gauchiste comme lui, mais qu’il lui faut épingler pour hérésie (je simplifie).
Je désapprouve totalement les journaux et blogs qui traitent cette affaire privée de manière superficielle et excessive.
Je le redis encore : en dépit de mon expérience de l’ASE (comme « client » (1) puis comme décideur), je me sens incapable de trancher ici sans examen approfondi pour dire, non pas qui a raison et qui a tort parce que je m’en fous, mais où est – en ce moment et à l’avenir – l’intérêt de l’enfant et quelle décision il faut prendre. Sauf que, il paraît impossible d’ignorer à présent ce que l’opinion publique en a fait et il ne faut pas être grand devin pour affirmer comme Rosenczveig que le juge des enfants va devoir retoquer la décision du président du Conseil général du Gers.
(1) (comme enfant et non comme parent)