La victoire en pleurant

C’est presque avec des sanglots dans la voix que François Fillon s’adressait aux députés socialistes en ces termes « Vous avez perdu et la démocratie a gagné ». Et,ce faisant, j’entendais ces mots défaitistes : « vous avez gagné ! »

Puis le Président est venu pleurnicher à la télévision sur son cas personnel et celui d’Eric Woerth. Cette indécence est à relever quand beaucoup de Français auraient des tonnes de souffrance à opposer. Mais laissons les comparaisons, pourquoi le président n’a-t-il pas pris la mesure des souffrances du peuple plutôt ? Peut -être pour la raison qu’il s’adressait à un public (« le public est de plus en plus exigeant ! ») ? Quoi d’étonnant après qu’il ait distribué les rôles : les victimes, les comploteurs, les bons, les méchants, le héros grandi dans la souffrance (devinez qui !). J’en arrive à justifier là aussi le titre de mon édito : Sarkozy s’est déclaré gagnant mais en pleurant.

Arrêtons-nous un instant sur la phrase du premier ministre citée plus haut. N’est-il pas désobligeant pour l’Opposition de s’entendre dire qu’elle n’est pas la démocratie ? C’est là une remarque qui s’apparente aux accusations de calomnie et de méthodes fascistes. Je ne m’étendrai pas sur ce point car ce serait ajouter de la polémique à la polémique. Je poserai le problème en d’autres termes : faut-il que quelqu’un gagne et que quelqu’un perde en démocratie ? Et comment mener à bien la réforme des retraites dans ce climat ?

Sur la première question, je rappellerai Montesquieu et sa théorie de la séparation de pouvoirs et celle des poids et contrepoids. En théorisant ces idées, le philosophe ne pensait pas en termes de victoires et de défaites mais en ayant souci de la Démocratie (celle-ci porte une majuscule).

Concrètement, comment préserver la démocratie tout en votant la réforme des retraites dans de bonnes conditions ? Il semble que la première des choses est de ne pas insulter la presse et de respecter l’Opposition ainsi que la magistrature. Or, la procédure accélérée ne permettra pas de débat approfondi avec l’opposition sur ce dossier. Par ailleurs, le fait de se refuser à séparer les affaires de ce débat ne permet pas un débat serein.

La meilleure manière de bien séparer les deux choses est de confier la conduite de la réforme à une autre personnalité qu’Eric Woerth. Oui, mais voilà, l’UMP dira qu’elle a « perdu » parce qu’elle aura l’impression d’avoir cédé aux pressions. Stupidité ! Elle perdra la face en s’obstinant à jouer la collusion des copains contre le reste du monde. L’UMP tourne à la parano…

Il y a d’autres personnes qualifiées pour mener la réforme et sans remettre en cause la compétence d’Eric Woerth, on est forcé de reconnaître que les conditions de la conduite des opérations ne permettent plus à Woerth de faire le boulot.

Même si cela n’a pas valeur de référendum, les sondages d’opinion se disent favorables au report de l’âge légal de la retraite à 62 ans. L’opinion est prête sur ce point très sensible, ce qui était loin d’être acquis il y a quelque temps encore.

N’est-il pas déraisonnable de gâcher cette maturation des choses en continuant de maintenir mêlées les affaires de Monsieur Woerth (que je ne juge pas ici ,c’est à la justice de le faire) et les affaires sociales ?

Il ne s’agit plus de pleurer ni de jouer les victimes en criant au complot mais de recréer les conditions de l’expression démocratique et de la discussion sur la retraite sans pollution par les affaires financières. Alors, on pourra parler de la définition de la pénibilité et d’autres points qui achoppent.

En sortira gagnante la Démocratie. Sans pleurs.

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