La réforme de la justice des mineurs

Le projet de loi sur la « participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs » est entré dans sa phase de discussion par les députés ce mardi. C’est une réforme bâclée à la hâte et un peu fourre-tout. Elle est assez critiquée de toutes parts. Nous examinerons ici la partie touchant à la justice des mineurs.

La méthode employée par l’UMP est contestable. Elle repose sur une vision faussée des statistiques nationales. Par ailleurs, l’UMP use ici encore e procédés qui ont déjà montré leurs limites : l’accélération de la procédure judiciaire comme moyen de répression accrue. La précipitation n’est jamais une bonne façon de rendre la justice. On se souvient de la petite phrase de Ségolène Royal exprimant son admiration pour la rapidité de la justice chinoise…

1 – Une vision faussée des statistiques nationales

Le rapporteur sénatorial, M. Lecerf, reconnaît que si la délinquance des moins de 18 ans a augmenté de 2002 à 2009 (+19%), elle a moins cru que celle des adultes (+32%). Il relève aussi l’efficacité relative de la justice : à 70 % les jeunes pris en charge par le parquet ne réitèrent pas dans l’année qui suit. Dans 87% des cas les jeunes délinquants suivis par un juge des enfants ne le sont plus devenus majeurs. Mais l’UMP a choisi de manipuler l’opinion en lui faisant croire à l’augmentation spectaculaire. Or, l’accroissement de la délinquance de mineurs s’étale sur 30 ans.

En revanche, il est exact que cette délinquance des mineurs est plus violente que par le passé. Et elle se concentre plus qu’autrefois en des lieux bien précis où l’ordre républicain n’a plus cours. Une réaction de l’Etat s’imposait donc.

2 – Des délais raccourcis au détriment de la prévention

Il s’écoule ne moyenne 9 mois entre la requête pénale initiale et le jugement en cabinet par le juge des enfants ou les 17 mois pour un jugement par le tribunal pour enfants. Or, comme le dit juge des enfants Rosencveig,  ce délai n’est pas  du temps perdu. C’est au contraire du temps « mis à profit – souvent avec succès – pour réduire les causes de l’asocialisation du jeune« . « On confond sanction et réaction » ajoute-t-il, or « l’important n’est pas d’obtenir un jugement rapide mais une réaction judiciaire rapide« .

Le prix à payer pour ces délais courts, c’est un certain sacrifice de la prévention. Désormais la comparution d’un mineur devant le tribunal pour enfants – à l’initiative du parquet ou d’un officier de police- se fera dans un délai de dix jours à deux mois après le délit. On va se retrouver avec des comparutions immédiates de gamins de 13 ans !

3 – Des mesures sécuritaires populistes et peu efficaces

Depuis 2002, la procédure pénale ne connaît plus de répit. Elle est sans cesse remaniée avec les résultats nuls que l’on sait sur le plan judiciaire autant qu’électoral pour l’UMP.  La justice des mineurs en particulier devient une justice distributive où le jeune délinquant se voit appliquer une sanction sans examen attentif des problèmes qu’il rencontre. C’est le travail social qui est ici désavoué.

On crée une nouvelle juridiction : le tribunal correctionnel pour mineurs. Il aura à connaître des faits commis par les  mineurs récidivistes de plus de 16 ans, ce qui revient de facto à abaisser la majorité pénale. Et des délits passibles de plus de trois ans de prison. On complexifie, hélas, les règles sur le contrôle judiciaires. Ainsi se trouve aussi mis à l’écart le juge des enfants, même s’il peut être intégré à l’équipe.

On pourra placer un jeune de 13 ans en centre éducatif fermé (CEF) dès la première infraction.

Un appel des professionnels à contester cette réforme a été signé. Parmi les signatures ont trouve celle, bien entendu, de Jean-Pierre Rosenczveig (la bête noire de Sarkozy qui s’était demandé tout haut un jour comment le virer) mais aussi celles des deux anciennes défenseures des enfants, Claire Brisset et Dominique Versini.

Ce que dénoncent ces magistrats, avocats (CNB, ACE, SAF…) et organisations de protection de l’enfance, c’est un alignement progressif et dangereux de la justice pénale des mineurs sur celle des majeurs. Ils demandent « une véritable concertation soit menée avant de réformer les principes et la philosophie de l’Ordonnance de 1945« . Cette ordonnance fondatrice de la lutte contre la délinquance des mineurs fait prévaloir la prévention sur la répression.

Il est à craindre que l’on sacrifie avec cette réforme le travail social et qu’on s’illusionne sur la valeur d’exemple et la peur de la sanction chez des gamins qui se sentent dans la toute-puissance.

Une autre idée fait son chemin et paraît plus intéressante, c’est l’extension du TIG (travail d’intérêt général) aux mineurs d’au moins 16 ans. Il s’agirait aussi, dit le garde des Sceaux, de « diversifier les postes de TIG ». Ceci, pour pouvoir proposer des heures de TIG « en soirée, en fin de semaine, en secteur rural »… et dans des domaines plus étendus que les seuls travaux d’entretien ou de maintenance.

 

 

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