Affaire DSK : grande sidération, faible considération

Un mot revient dans toutes les bouches dans cette affaire : la sidération. La sidération est un état de mort apparente à la suite d’un choc émotionnel. Et on dit partout que les Français ont subi ce choc. A tel point que dans un sondage, ils ont déclaré à 57 % que l’affaire DSK est un complot. On a aussi comparé ce choc à celui du 11 septembre avec les images qui repassaient en boucle sous les yeux de téléspectateurs commotionnés et soudain privés de leur faculté de jugement.

La sidération s’accompagne de perte de repères, d’effondrement de choses fortement établies. Il y a un avant et un après, le jeu de cartes a été brassé, des croyances se sont affaissées sur elles-mêmes.

Une polémique très vive prend de l’ampleur sur la question de la considération. L’accusé a-t-il été traité avec trop peu d’égards ? C’est ce qu’affirment les amis de DSK, Robert Badinter notamment. La victime présumée a-t-elle été oubliée voire méprisée en tant que femme ou parce qu’elle n’est qu’une simple femme de chambre ? Clémentine Autain s’est vivement exprimée sur ce point.

Ce jeudi soir sur France 2 , Maître Badinter entamait en solo une plaidoirie larmoyante en faveur de son ami DSK. C’en était tant que David Pujadas, le pressa de dire un mot sur la victime présumée. Mais Me.Badinter éluda la question en parlant des victimes de façon très générale et sur un ton dégagé qui donnait le sentiment qu’il voulait évacuer au plus vite ce sujet gênant pour revenir à ce qui le préoccupait avant tout : défendre son ami DSK. Plus tard, Manuel Valls fut invité à se joindre à la table des participants au débat. Interrogé à son tour sur le sort réservé à la femme de chambre dans l’opinion des élites du PS, il joua l’indignation jusqu’à la colère. D’une voix tonitruante, il couvrit toute objection, jouant les offusqués. C’était en direct le retour de la gauche moralisante, dressée sur ses ergots de coq indigné. J’en éprouvais un malaise assez vif et je compris alors que rien n’était gagné en France, que décidément les puissants seront toujours bien considérés par les puissants et les élites, y compris par la gauche.

La sidération engendrée par la manière rapide et violente du système judiciaire américain de traiter cette affaire fait que le bruit du scandale n’aura pas profité à Marine Le Pen (selon le dernier sondage). Je suis personnellement convaincu qu’une prise en charge de cette affaire par le système judiciaire français lui aurait au contraire profité.

La considération unanime du parti socialiste pour DSK, violeur possible poursuivi par sept chefs d’accusation, le peu de cas pour cette femme de chambre de couleur, en disent long, hélas, sur la mentalité de la gauche caviar, de l’esprit clanique d’une caste complètement déconnectée de la réalité et du peuple. La défense d’un copain ne lésine pas sur la minimisation des faits : « pas mort d’homme » selon Jack Lang, « simple séducteur » qui aime les femmes, « gauloiserie », « godriole », et je passe sur bien d’autres qualificatifs indécents répétés en boucle par la plupart des socialistes qui étaient 70 % à défendre la thèse du complot. C’est là une autre sidération : le déni complet du crime perpétré même s’il reste à prouver et de la souffrance de la victime.

Il est incontestable que cette affaire fut mal engagée du point de vue du respect de l’accusé. La première juge ainsi que les premières déclarations de la police lui furent excessivement défavorables et fondées sur la panique liée au précédent Polanski et sur le mensonge : on prétendit que DSK était un homme affolé, en fuite. La juge s’entoura d’un luxe de précautions pour justifier l’emprisonnement du VIP français et livré à l’opprobre publique, aux journaux à sensation avide de faire des bénéfices, des caméras de télévision braquées sur les juges en pleine campagne populiste, pardon électorale.

Il y eut pour DSK un premier retour de considération avec la mise en place du dispositif anti suicide. Certains ont dit que Strauss-Kahn s’est suicidé politiquement. C’est vrai mais, là, ses amis n’ont pas pris le soin de mettre en oeuvre un mécanisme de prévention efficace contre ses actes répétés et dangereux. Tant pis pour lui ! D’autres ont avancé que Sarkozy aurait dû se retenir de nommer DSK à la tête du FMI sachant sa réputation exécrable et les dangers qu’il encourait sous le régime judiciaires américain. Mais Nicolas Sarkozy l’a mis en garde et chaque homme est responsable de lui-même et de ses actes. Doit-on reprocher à Sarkozy d’avoir aidé à la nomination d’un homme à ses yeux compétent pour le poste ? D’ailleurs, il semble que le président ne soit pas le seul à souligner le rôle utile que DSK a joué à la tête du FMI. C’était avant de jouer son plus mauvais rôle qu’il a lui-même choisi.

Il est parfaitement légitime que DSK ait été remis en liberté en attendant son procès. Il y a pour lui un retour en considération. Pour la femme de chambre, il faudra encore attendre avant que la gauche entame un début de prise de conscience.

Il est grand temps que dans notre pays, les gens soient considérés sur un pied d’égalité quelles que soient leurs origines sociales et leur couleur. Les citoyens ne naissent-ils pas libres et égaux en droits ? Il est grand temps aussi que l’on cesse ces manipulations de l’opinion à coups de sidération par l’image et la communication médiatique. Les Français sont des adultes, traitons les comme tels !

Cet article est également publié sur Agoravox.

 

 

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