La réforme de la dépendance : le financement

Une mission sénatoriale était chargée de plancher sur le thème du « financement mixte de la prise en charge de la perte d’autonomie des personnes âgées, autrement dit « reposant sur un niveau élevé de solidarité nationale complétée par une couverture assurantielle volontaire« .

Elle a rendu sa copie le 1er février. Le rapport est conçu comme un « guide pour le débat ». Je vais présenter simplement les choses…

I – Le rapport de la mission : résumé

La mission sénatoriale était présidée par Philippe Marini (UMP) et co-présidée par Jean-Jacques Jégou, sénateur MoDem et spécialiste des finances sociales.

La mission sénatoriale a défendu l’idée de solliciter « les patrimoines les plus élevés » pour « améliorer de façon ciblée la solvabilisation des personnes âgées dépendantes à domicile« . Elle suggère qu’à « l’entrée en dépendance« , une personne âgée résidant à son domicile doive faire le choix entre :

– une APA à taux plein mais avec une « prise de gage de 20 000 € au maximum sur la fraction du patrimoine dépassant un seuil déterminé, à fixer entre 150 000 et 200 000 € »,

– une APA d’un montant diminué de moitié, sans mise en jeu du patrimoine.

La proposition n’a pas fait l’unanimité au sein de la mission.

Prenant le contre-pied de la députée Valérie Rosso-Debord, auteur d’un précédent rapport, la mission sénatoriale écarte la mise en place d’une assurance obligatoire et plaide au contraire pour le développement de l’assurance dépendance volontaire. Elle prône l’inclusion automatique d’une couverture dépendance aux contrats de complémentaire santé/prévoyance souscrits sur la base d’une adhésion individuelle.

Il est question aussi de la création possible d’une nouvelle journée de solidarité. Ce serait, selon Alain Vasselle, « la piste la plus solide dans la perspective d’un partage égal de la charge de l’APA entre l’État et les départements ». Calquée sur le modèle actuel, une seconde journée de solidarité « permettrait de dégager au total 2,3 milliards d’euros », indique le rapport.

Source : Rapport  Sénat n°263, 26 janv. 2010

II – Les observations de Jean-Jacques Jegou

Le vice-président de la mission a affirmé que « le débat sur la prise en charge de la dépendance ne se réduit pas, bien sûr et heureusement, à ses considérations financières, elles constituent néanmoins un des paramètres incontournables du problème à résoudre » Il se démarque ainsi de l’UMP qui traite ce dossier quasi-exclusivement avec des yeux de gestionnaire et souvent même avec l’idée de privatiser le système. Le sénateur du MoDem rappelle aussi que, s’il faut réfléchir aux futures sources de financement, il ne faut pas oublier que les plans d’aide dans le cadre de l’APA sont souvent trop justes ou insuffisants, et laissent un reste à charge très élevé sur les épaules des familles. Effectivement, une étude de la Drees sur les montants des plans d’aide accordés aux bénéficiaires de l’APA à domicile montre que dans 26% des cas, l’aide suffit tout juste ou ne suffit pas à couvrir les besoins.

Face à l’enjeu énorme du coût futur de la dépendance, Jean-Jacques Jegou estime que la charge de l’effort ne saurait peser sur les seules générations actuelles d’actifs et qu’il convient « d’engager une réflexion sur l’augmentation de l’effort contributif des retraités aux dépenses liées au de vieillissement de la Nation« . Son amendement en ce sens n’a pas été retenu (lors de la loi de finances 2011) et il déplore que le Parlement a décidé de reporter sur les générations futures une charge qu’il souhaitait encore pleinement assumer il y a 5 ans.

LIEN vers l’article de Jean-Jacques Jegou

III – Diverses remarques personnelles

Si les choses étaient très simples, on pourrait imaginer un financement tripartite de la dépendance selon l’origine principale de la dépendance, comme suit :

– dépendance due principalement à la vie professionnelle : financement par la branche accidents du travail – maladie professionnelle de la Sécu

– dépendance due au handicap : financement par l’aide sociale. La solidarité nationale jouerait ici à plein en raison de la nature « régalienne » du handicap pour l’aide sociale au même titre que la protection de l’enfance. En raison aussi du caractère non prévisible et limité du risque qui ne justifie pas une couverture assurantielle générale.

– dépendance due à la vieillesse : financement par la personne, sa famille et en dernier ressort par l’aide sociale. Rappelons ici les règles de l’aide sociale : elle est subsidiaire (elle n’intervient qu’après épuisement des autres droits), elle n’est qu’une avance (récupération possible – partielle – sur succession et donataires). Evidemment, la personne se garantirait du risque dépendance par une assurance qu’elle souscrirait vers la cinquantaine.

Avec ce système, on ne chercherait pas la cause dominante au cas par cas mais il serait mené une étude pour définir les pourcentages des causes par catégories de population. Puis un protocole  national répartirait les charges globales entre les financeurs et on créerait un caisse unique pour un paiement sous forme d’allocation unique.

Mais, vous l’aurez compris, les choses sont plus complexes que cela…

Parmi les solutions envisagées dans le débat actuel, celle d’une journée de solidarité supplémentaire reposerait sur les seuls salariés et on ne toucherait pas aux patrimoines mêmes les plus colossaux et les plus extravagants ! Pour ce qui est de l’assurance obligatoire dès 50 ans, l’assurance n’aurait pas d’effet immédiat puisque en vertu d’un principe des assurances, celles-ci ne prennent pas en charge les risques présents mais seulement les risques à venir. Il faudrait donc, de toute façon, une forme de financement autre dans l’attente que les assurances jouent à plein (plusieurs décennies).

L’affaire n’est pas terminée. François Fillon a confié au nouveau président du Conseil économique, social et environnemental (CESE) le soin de préparer un rapport sur le sujet (avis sur les principaux enjeux et sur les différentes évolutions envisageables, sur « la répartition du financement des dépenses, sur le coût des mesures et les modalités de financement préconisées).

Le rapport devra être finalisé d’ici le mois de juin. Affaire à suivre donc…

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