Régionales : la guerre des tranchées

(article également publié sur agoravox le 10 mars)

Et c’est parti comme en 14 ! Le camp retranché de la Droite contre le camp retranché de la Gauche et tirs d’obus à volonté. Inutile de vous décrire l’état du terrain qui sépare les belligérants ! La campagne des Régionales, dit François Bayrou, c’est 80 % de sondages et 20 % d’insultes. Alors que le pays attend plutôt une « une reconstruction générale« , on le détruit à coups de Grosse Bertha, on le gaze à coups de propagande médiatique et sondagière. Et de mensonges. « Dis, papa, c’est quand la Der des Ders ? – Tais-toi et sors le croc de boucher ! »

Le président du Mouvement Démocrate déclare : « Nous sommes un pays dans lequel ce qui va s’imposer, c’est la nécessité d’une reconstruction générale. Ce qui va se passer dans les années qui viennent dépasse en difficultés tout ce que nous avons rencontré depuis la guerre« .

La guerre ? mais justement, nous sommes en plein dedans ! Madame Buffet au journal télévisé de l’autre jour sautait d’impatience sur sa chaise : « Il faut battre la Droite ! Il faut battre la Droite ! » Et après, on fait quoi ? On sabre le champagne et on recommence comme avant ? « Vive nous ! Mort aux autres » ? Un slogan rageur qui n’avait d’autre fin que d’éluder la question sur son soutien ou non aux socialistes au second tour.

« Battre la Droite », voilà un objectif qui ne suffira pas à me faire aller aux urnes au second tour. J’estime, comme Bayrou, que l’heure est à la reconstruction et à l’union nationale face aux périls, mais par lesquels commencer, ils sont tellement nombreux ? La mort programmée de la planète ? La dette exponentielle qui atteindra 120 % du PIB en 2012 ? La prévention des inondations à venir ? Des suicides ? Les services publics ? Le taux catastrophique du chômage et ses incalculables conséquences humaines ? Je vous dis : on n’a que l’embarras du choix. Mais que font les deux camps pendant ce temps ? Ils se chamaillent, s’injurient, utilisent les pires coups bas ( et même les fichiers de la police…).

Stop ! Arrêtons-nous un instant sur le message que nous adresse François Bayrou : « Ce qui va se passer dans les années qui viennent dépasse en difficultés tout ce que nous avons rencontré depuis la guerre. » Nous savons qu’il dit vrai, nous le savons que trop ! Mais, allez Nicolas et Carla, faites-nous rêver encore, oublions ! Allez la Gauche, écrasez les troupes de Nicolas ! Cela nous consolera du gouffre vers lequel nous nous acheminons : fermons les yeux et prions très fort que rien n’arrive tant que nous serons là ! Car après tout, seule une chose compte : vaincre le camp adverse – ennemi ! – et si possible à plates coutures, l’humilier.

La reconstruction attendra… Et pourtant, Bayrou continue de prêcher dans le désert, ou plutôt au milieu du no mans’land pilonné, complètement ravagé, qui sépare les deux camps de ces irréductibles aveuglés de haine, de désir de revanche et de cupidité. C’est pourtant pas lui qui les a inventées ces graves difficultés contre lesquelles il nous faudrait nous unir ! Et il dit encore, François Bayrou, que la reconstruction ne se fera pas « bloc contre bloc, cinquante contre cinquante, droite contre gauche, comme on l’entend tous les matins dans une campagne électorale dont il faut bien dire qu’elle est la plus éloignée des enjeux qu’on ait jamais connue« .

C’est 80 % sondages et 20% injures » mais « idée sur les régions, aucune, prise en compte des soucis du pays, aucun. On cherche simplement à montrer qu’il faut battre l’autre camp« .

Le plus étonnant dans cette guerre fratricide, le plus insolite même dans un moment si solennel où l’on fait résonner si haut les trompettes de l’Identité nationale, c’est que le chef suprême est planqué dans la tranchée de l’un des camps et qu’il ordonne le massacre des bélligérants d’en face, ses frères ! Dit autrement par le patron du MoDem : « Il n’est pas normal qu’il reçoive les têtes de liste de son parti à l’Elysée » ou qu’il « aille faire campagne pour un candidat« . Un président de la République ne devrait pas être « le chef d’un parti, le chef d’un camp« . Mais si, François, ils sont devenus fous !

Mais quel sera l’état des troupes quand viendra le jour du vrai danger ? Où trouverons-nous l’union sacrée nécessaire ? Oui, le vrai danger, parce que pour le moment c’est de la petite guerre comme disent les enfants : il ne faut « pas se laisser entraîner par ces mitraillettes en plastique braquées sur vous ; ce sont des jouets d’enfant, ce que vous avez à défendre est plus important que toutes ces épisodiques et minuscules menaces« , dit Bayrou. Mais qui l’écoute encore ?

Moi en tout cas !

Et vous… ?

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