C’est quand le bien-être ?

Un candidat de gauche aux élections présidentielles de 2007 avait cru pouvoir transposer à la politique une image poétique, tirée d’une chanson : « c’est quand le bonheur ? » Comment peut-on à ce point tromper les gens et prétendre les mener au bonheur. Comme si cela était du ressort du pouvoir et dans ses moyens : Comme si l’Etat était en devoir de dispenser le bonheur à tous, autrement dit un bonheur identique pour tous alors que chacun est unique et a ses aspirations propres, sa propre conception du bonheur. Le bien-être c’est autre chose…

Le premier mot que l’on entend dans bien-être, c’est « être ». L’être se différencie de l’avoir et s’y oppose parfois. Par le mot « bonheur », les individus entendent quelque chose de personnel comme la vie amoureuse ou familiale, la liberté d’agir et de s’exprimer, ainsi que la possession de bien matériels. Le bien-être au contraire est une chose plus générale qui peut entrer dans le cadre d’une politique d’ensemble. La santé, l’éducation, la justice, la culture, en font partie. On parle de plus en plus de donner au bien-être un critère de mesure comme le produit intérieur brut, le fameux PIB, qui est devenu l’étalon universel de comparaison des nations entre elles.

Le bien-être ne progresse plus dans notre pays. Au contraire, le mal-être est croissant en France dans toutes les catégories, dans toutes les régions. Comment pourrait-il en être autrement puisque les leviers d’une bonne politique de développement du bien-être sont bloqués, confisqués au profit de l’enrichissement toujours plus grands de quelques-uns ? Ces leviers sont, par exemple, l’éducation, la culture, la justice, la réduction des inégalités de revenus. Tous ces pans de la politique de l’Etat sont attaqués par le gouvernement en place. Il suffit de suivre l’actualité pour le vérifier.

Quand on parle d’humanisme en politique, c’est du développement de ces moyens de bien-être qu’il est aussi question. Il ne s’agit pas d’une conception de bien-être à la socialiste qui voit dans le saupoudrage des aides aux associations et dans la dispense d’allocations au plus grand nombre les remèdes à tous les problèmes. Ce qui inquiète aussi dans le modèle défendu par les socialistes, c’est sa vision étatique qui tend à l’uniformisation des réponses aux aspirations individuelles. Pour autant, il ne s’agirait pas de prétendre non plus, comme le fait la droite libérale, qu’il n’existe aucune alternative au modèle de société qu’elle nous impose de plus en plus chaque jour.

Les électeurs de Sarkozy ont cru voir le bonheur dans l’offre de sécurité promise, dans la rupture et les réformes annoncées. Mais pour ce qui est de la rupture, le désenchantement ne fut pas long à venir. François Bayrou consacre un chapitre entier de son dernier livre, « Abus de pouvoir », au thème sarkozien de la rupture et dit en substance que la rupture de Sarkozy, c’est la rupture avec notre modèle français tant social que républicain. Une phrase prononcée par le président à Saint-Quentin en mars 2009 le conforte dans cette impression : « Une société égalitaire, c’est le contraire d’une société de liberté et de responsabilité. » On voit que ce n’est pas exactement ce que les électeurs entendaient par « rupture ». C’est plus un message qui vient conforter le groupe des amis milliardaires réunis au Fouquet’s le jour de l’intronisation du prince par son peuple. Ce peuple qui peut attendre…La société inégalitaire est désormais ouvertement revendiquée en modèle. La droite décomplexée n’a décidément plus aucun complexe.

Les électeurs de Sarkozy ont été trompés. Ils pensaient gagner en sécurité mais ils n’ont rien de plus qu’avant. La police n’est pas là où ils auraient souhaité qu’elle soit. Le laxisme du pouvoir permet aux voyous de la Courneuve de prospérer des trafics en tous genres et maintenant les Kalachnikov sont accessibles plus facilement qu’avant. On envoie six policiers pour arrêter un enfant de maternelle et son camarade, d’ailleurs innocents du vol mineur qu’on leur reproche. Six policiers ! N’ont-ils rien d’autre à faire ? Sans doute les policiers chargés de retrouver le scooter du fils de Sarkozy s’ennuyaient-il aussi. Pareil pour ceux qui ont persécuté un professeur de philosophie espiègle qui a lancé un simple « Sarkozy je te vois ! » lors d’une manifestation. Mais où étaient donc ces policiers à Strasbourg pour le sommet mondial ? On a protégé les quartiers chics et laissé sans protection les autres parties de la ville. Quand aux Etats-Unis on déjoue une tentative d’attentats, en France six policiers se jettent sur deux gamins pour un vol de vélo !

A quoi sert la police aujourd’hui ? Apparemment plus à réprimer la liberté d’expression et à surveiller le citoyen qu’à le protéger. La protection de tous n’est plus d’actualité dans les faits. Elle reste énergique seulement dans les discours. Le niveau de protection assuré dépend de votre fortune. A L’Elysée, à Neuilly ou à Saint-Tropez, le citoyen est surprotégé. Ailleurs, le citoyen est un suspect. Le nombre de gardes à vue explose ainsi que les bavures et les violations des droits humains.
Les forces de l’ordre sont en effectifs pléthoriques pour suivre le moindre déplacement du président. Mais quand elles sont là, elles ne sont pas ailleurs.

La sécurité ? Elle régresse ! Et le coeur même du programme politique de Sarkozy révèle ainsi le vide de son contenu. Les discours n’engagent que ceux qui les écoutent, c’est ce qu’on a coutume de dire dans ce camp-là…

Alors, le bien-être c’est pour quand ? Déjà, ce sera quand la liberté et la sécurité auront retrouvé leur place dans les priorités gouvernementales, ce qui n’est pas pour demain ! Ce qui n’est pas pour demain non plus, c’est la lutte contre les inégalités : ce n’est pas le souci de ce pouvoir qui ne dispense ses largesses qu’aux amis et aux puissants.

Le bien-être passe par la sauvegarde des acquis qui font la singularité du modèle français, que d’ailleurs des pays étrangers, plongés dans le marasme, comme nous, commencent à nous envier. Cela passe aussi par une remise en cause de nos mode de vie et de pensée car il faut tendre vers un bien-être durable et respectueux de l’environnement et des générations à venir.

Alors l’humanisme ? Cela ne signifie rien concrètement en politique, entend-on dire, on n’en fait pas un programme. Mais le souci du bien-être est indissociable de l’humanisme en politique. Le développement du bien-être est un besoin à ce point vital et à ce point méprisé par l’Etat qu’il fait le bonheur des intégrismes vendeurs de paradis, des trafiquants vendeurs de paradis artificiels, et des gourous qui font leur beurre avec la théorie du développement personnel. La montée en puissance des sectes en témoigne. Parce que, quand l’Etat se désengage du champ du bien-être des concitoyens, ce sont les charlatans qui en profitent. Mais après tout, n’est-ce pas ce qui fonde et perpétue le libéralisme qui veut tout « marchandiser » et tout donner à l’initiative privée guidée par la seule recherche de son profit sans limites ?

Nous ne saurons pas dire quand ce sera le bien-être mais le bonheur ça y est ! Puisque, comme dit le proverbe, le malheur des uns fait le bonheur des autres…

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