J’aurais pris la même décision que Delanoë, décision qui me paraît absolument raisonnable et sensée. Quand il y a débat sur les moeurs ou doute sérieux, le mieux est de se référer à la loi applicable et d’examiner les faits :
– la loi prononce l’interdiction d’exposer des photos pornographiques aux mineurs
– l’exposition comporte des photos pornos parce que l’artiste a refusé de retirer celles qui le mettent dans l’illégalité.
En conséquence, j’aurais prononcé, moi aussi, l’interdiction aux mineurs.
Après on peut argumenter tant qu’on veut, si les conditions légales ne sont pas respectées et si l’on est représentant de l’ordre public, on dispose d’un choix très mince et on prend des risques.
En-dehors de ces considération légales, des questions se posent :
– si ce n’est pas choquant, pourquoi ne pas diffuser de telles images en prime time à la télé ? On voit ici qu’en raisonnant a contrario l’argumentation défendue mène à des aberrations
– certains parlent de pédagogie mais l’exposition ici est aux antipodes de l’éducation sexuelle. Elle vise à choquer uniquement pas à expliquer, pas à instruire par des méthodes adaptées.
– la pornographie infantile est interdite, de même que l’incitation à la pornographie infantile. Contourner cette interdiction en présentant des photos porno comme de l’art sous prétexte qu’elles sont incluses dans une oeuvre plus vaste ou qu’elles sont en noir et blanc et parée d’un minimum d’intention artistique, est purement hypocrite.
– l’exposition a été autorisée ailleurs. Oui mais avec les risques judiciaires évoqués. Ils ne se sont pas produits précédemment tant mieux mais ils existent quand même et il se trouve que la mairie de Paris ne veut pas risquer l’argent du contribuable dans un procès. C’est son choix.
Le blogueur L’Hérétique conteste, comme moi, le point de vue, des deux élus démocrates qui se sont exprimés au nom du MoDem « le MoDem est mal à l’aise avec la pudibonderie de la mairie de Paris« .
Pourquoi parler ici de « pudibonderie » ? Il me semble qu’il faudrait argumenter et que c’est là une opinion toute subjective et je m’étonne que la prise de position soit présentée comme celle du MoDem dans son ensemble. S’il y avait unanimité sur une question aussi délicate, ce serait inquiétant, non ?
Les débats suscités par cette expo sont parfois surréalistes.
Premièrement, Bertrand Delanoë trompe son monde quand il prétend que ces images font l’apologie des situations qu’elles montrent. On peut même objectivement dire qu’elle ne suscite pas la moindre complaisance avec le monde et les comportements qu’elles amènent à voir.
Ensuite, comme toute œuvre artistique, elles ne sont que le regard singulier d’un individu, l’artiste, sur ce qui le touche lui-même. Et comme tout œuvre artistique, chacun est libre de l’aborder comme il l’entend. Certains en profiteront pour engager un dialogue avec les adolescents, d’autres penseront qu’il n’est pas mûr, etc…
Enfin, Larry Clark effectue un travail sur l’adolescence depuis plusieurs années. On peut dire que son œuvre artistique tourne autour de ça. Chacun est libre d’apprécier son travail comme il l’entend, mais ce qu’il montre existe, au moins dans sa tête, alors à quel titre interdirions-nous aux ados de se voir, ou plutôt de voir d’autres qu’eux mais au même âge ? et de voir la manière dont un artiste, adulte, les regarde ? Nous devrions nous réserver, nous adultes, comme des voyeurs, le droit de les regarder dans leur diversité.
Moi, je trouve ça malsain…
Quand par ailleurs, des images bien plus malsaines et destructives pour les têtes de nos chers ados passent inlassablement tous les soir à la télé et circulent en boucle sur internet, on frôle la tartuferie.
Ne pensez-vous pas qu’un simple avertissement sur le caractère cru et violent des images aurait suffit ? Car ces photos peuvent aussi déranger bien des adultes.
Pour finir, que la gauche bobo parisienne, toujours prête à défendre la liberté d’expression à l’autre bout du monde, en soit arrivé là, surtout, en fait, pour ne pas prendre le risque d’un procès, en dit long sur son courage et la panade intellectuelle dans laquelle elle sombre jour après jour.