Faut-il une loi « Agnès » ?

Toute la France a été secouée par ce drame : le meurtre d’une enfant de 13 ans dans un internat scolaire. Ce qui choque le plus, c’est que le drame est perçu par tous comme évitable. On pointe les failles de l’éducation, des parents, de la justice, des médecins, du gouvernement. Ce dernier veut faire adopter une nouvelle loi. Cela ne sert à rien s’écrient déjà quelques-uns. Je ne suis pas d’accord.

Faut-il parler de « récupération politique » à chaque fois que, confrontés à un drame, on réunit les compétences et les décideurs en urgence pour pallier aux manques de la loi ? Je  ne le crois pas. La loi actuelle est prise en défaut et gravement. Il faut y remédier sans délai. Par ailleurs, il n’est pas vrai que les réformes successives n’ont servi à rien.

Le ministre Mercier me semble animé de l’intention de faire évoluer les choses. Il a parlé de revoir la question de la dangerosité des mineurs, question qui est à mettre en face de celle de l’insertion du jeune. Dans l’affaire incriminée, il faut dire que l’effort d’insertion a été surévalué et la dangerosité sous-évaluée. Il veut instaurer un partage de l’information entre justice et école (point délicat à mettre en œuvre comme on le voit déjà pour les secret partagé dans le domaine de l’enfance). Rappelons que sa réforme, la « loi Mercier » a été publiée le 10 août 2011. Elle réforme la justice des mineurs :

– création du tribunal correctionnel pour mineurs qui aura à connaître des faits commis par les mineurs récidivistes de plus de 16 ans. Et des délits passibles de plus de trois ans de prison.

– Placement possible d’un jeune de 13 ans en centre éducatif fermé (CEF) dès la première infraction (point discutable).

– Création d’un dossier unique de personnalité du mineur (DUP). Le DUP pourra apporter des éléments d’information tant dans les procédures pénales que civiles, mais uniquement devant les juridictions pour mineurs (pas de partage d’information à l’extérieur).

– Le juge des enfants, intégré à l’équipe, ne sera plus l’unique décideur. Ceci en conformité d’une décision du Conseil constitutionnel qui a décidé le 8 juillet 2011 que le juge des enfants qui a renvoyé un mineur devant le tribunal pour enfants ne peut pas assurer la présidence de cette même juridiction. Le Conseil constitutionnel donne jusqu’au 1er janvier 2013 au législateur pour se mettre en conformité avec cette décision, avant d’abroger la disposition visée.

Les enquêtes judiciaires sont réformées : création officielle de la mesure judiciaire d’investigation éducative (MJIE) qui va progressivement remplacer l’enquête sociale et l’investigation d’orientation éducative (IOE).

Les centres éducatifs fermés sont-ils la solution ?

En visite au centre pénitentiaire de Réau (Seine-et-Marne), le mardi 13 septembre, Nicolas Sarkozy a annoncé la présentation « dès cet automne » d’un projet de loi de programmation relatif à l’exécution des peines. Un texte inspiré du rapport du député UMP Eric Ciotti. Création de 80.000 places de prison supplémentaires (disponibles en 2017) et un volet entier de la loi consacré à la délinquance des mineurs, dans le but de « diversifier les modes de prise en charge« . « Le mineur délinquant de 2011 n’a rien à voir avec le mineur délinquant de 1945« , a-t-il martelé une fois encore. Au programme : l’ouverture de 20 centres éducatifs fermés (CEF) venant s’ajouter aux 40 centres actuels, destinés à « accueillir de plus en plus de jeunes condamnés au côtés de jeunes en attente de jugement« .

Les centres éducatifs renforcés (CER) sont des centres éducatifs (et donc pas des prisons) mais renforcés. Ces structures sont prennent en charge des mineurs délinquants ou en situation de grande marginalisation, et doivent répondre au risque de récidive et d’incarcération. Rappelons que le jeune meurtrier n’était pas ici en situation de récidive légal puisqu’il n’était pas jugé pour son précédent crime. Les centre éducatifs reçoivent des mineurs multirécidivistes et en grande difficulté pour des séjours de rupture avec leur environnement. Ils fonctionnent par sessions d’une durée de 3 à 6 mois.

Les centres éducatifs fermés (CEF) ont été créés plus tard par la loi Perben du 9 septembre 2002. La loi introduit la possibilité de placer des mineurs en centres fermés à partir de l’âge de 13 ans. Pour les plus âgés d’entre eux, s’ils ne respectent pas l’obligation de séjour en centre fermé, ils sont alors placés en détention provisoire. Les centres éducatifs fermés sont définis par l’article 33 de l’ordonnance du 2 février 1945. Il s’agit d’établissements publics ou privés dans lesquels les mineurs sont placés en application d’un contrôle judiciaire, d’un sursis avec mise à l’épreuve, d’une mesure de libération conditionnelle ou d’un placement extérieur et où ils font l’objet de mesures de surveillance et de contrôle permettant d’assurer un suivi éducatif et pédagogique renforcé et adapté à leur personnalité.

A la différence des centres éducatifs renforcés, les centres éducatifs fermés ne répondent pas au souci de créer un éloignement du mineur d’avec son environnement familial, social ou scolaire. Les centres éducatifs fermés coûtent extrêmement chers : 600 à 700 euros par jour et par jeune. A titre de comparaison, le prix de journée du CER n’est « que » de 228 euros.

Je suis favorable à l’extension du nombre de places en CEF et CER, en dépit de l’investissement demandé. Le coût humain et social est en effet bien plus grand, je veux parler des drames et de leurs répercussions. Dans l’affaire présente, il me semble que l’impératif d’insertion a été surévalué par rapport à l’impératif d’évaluation de la dangerosité. Qui a commis la faute : le psychiatre qui a déclaré l’adolescent « réadaptable, réinsérable et ne présentant pas de dangerosité » ? Le juge d’instruction qui avait le pouvoir de décider de le placer en prison ou en CEF ? La loi qui énonce des interdictions de partage de l’information et qui manifeste des défaillances ? Difficile de répondre à cette question. Mais on ne peut reprocher au gouvernement de s’activer à chercher une solution pour qu’il n’y ait plus à l’avenir d’affaire Agnès.

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