Désormais la haute finance ne se contente plus de mater les velléités de référendum ; elle limoge les premiers ministres qui ne lui conviennent pas. Pour le reste des décisions à prendre, le directoire Sarkozy-Merkel s’en charge. Mais en réalité c’est surtout Angela Merkel qui décide à peu près unilatéralement. Celle-ci jugeant le TCE inadapté veut le faire modifier dans un délai rapide pour y insérer des dispositions permettant d’agir plus promptement face aux états empêtrés dans leurs déficits. Pourquoi prendre le temps d’actionner la démocratie quand on peut alléguer l’urgence pour imposer ses règles sans discussion ? Anne, ma sœur Anne, entends-tu ce bruit de bottes…
Berlusconi s’en est allé et le peuple italien a tort de se réjouir car il n’y est absolument pour rien. La démocratie n’a pas parlé. La décision est venue seulement des marchés qui ont désormais tout pouvoir pour nommer et limoger qui ils veulent, en écartant les processus démocratiques. Ils ont beau jeu les résistants de la dernière heure de réserver au cavaliere un spectacle de rue digne du dictateur déchu. Ce sont quand même eux qui l’ont élu et réélu ! Je me suis toujours demandé comment le peuple italien en était arrivé à se laisser berner avec autant de constance…
Rétrospectivement, on n’est plus étonné de la nomination à la tête de la BCE de l’ex-vice-président de Goldman Sachs qui avait participé au trucage des comptes de la Grèce.
Mais jusqu’où cette nouvelle forme de gouvernance peut-elle aller ? Peut-elle conduire à décider de ne pas faire élire François Hollande, à éjecter Nicolas Sarkozy ? Je crois que nous assistons à la montée d’une forme de dictature rampante qui sera dévastatrice et qui est menée dans un esprit ouvertement très hostile aux peuples et aux démocraties.
Après avoir écrit cet éditorial, j’ai lu que Jean-Pierre Jouyet (PS) s’en alarme aussi. : « les citoyens se révolteront contre la dictature de marchés » (Monsieur Jouyet est président de l’Autorité des marchés financiers). Les marchés « ont fait pression sur le jeu démocratique« , dit-il, soulignant qu’avec le départ du président du conseil italien, Silvio Berlusconi, « c’est le troisième gouvernement qui saute à leur initiative pour cause de dette excessive« . Sarkozy est, selon Monsieur Jouyet, « plutôt bien noté pour le moment » par les agences. Chacun appréciera ce « pour le moment » qui place comme une épée de Damoclès au-dessus de la tête de notre suffrage universel direct.
Je ne sais pas si la zone Euro est comme le paquebot Titanic mais une chose est sûre, s’il elle l’est, il y a belle lurette que l’équipage a été jeté par-dessus le bastingage…