Le 31 juillet 1870, Victor Hugo écrit « Mon petit Georges (…) a trouvé pour moi ce nom de Papapa ». On trouve cette confidence dans « L’Art d’être grand-père », un recueil de poèmes publié en 1877. Victor Hugo était aussi le « papapa » de Jeanne. En effet, suite à la mort de Charles Hugo, un de ses fils, et de la femme de celui-ci, Victor Hugo prend en charge ses deux petits-enfants Georges et Jeanne Hugo.
Cet évènement tragique est à l’origine d’un livre bourré de tendresses et de confidences : « L’Art d’être grand-père ». On y voit un Victor Hugo complètement gaga pour ses petits-enfants et notant quotidiennement ses impressions de bonheur qui le remplissent de joie revivre à l’automne de sa vie.
Georges était né le 16 octobre 1868 et Jeanne, le 29 septembre 1869.
Victor Hugo a observé ses propres enfants, entre autres dans « Les Contemplations. » Il publie en janvier 1862 des morceaux choisis : « Les Enfants ». Il donne avec ses petits-enfants un autre témoignage d’amour. Dès 1869, ses notes sont émaillées d’anecdotes concernant Georges et Jeanne, pleines d’humour et de tendresse. Le 25 août, il écrit ainsi : » Petit Georges va bien. Il tête maintenant les deux seins. Il a longtemps voulu ne téter que le sein gauche. Tendance démocratique… « . Le 6 juillet 1870, c’est au tour de Jeanne, qui : » a fait pipi sur moi, c’est la seconde fois « .
Le 21 février 1871, il note : » Je promène Petit Georges et Petite Jeanne à tous mes moments de liberté. On pourrait me qualifier ainsi : V. H. représentant du peuple et bonne d’enfants « . Nous avons également ce récit des Goncourt, le 5 août 1873 : » La tête mélancolique du petit garçon, la tête futée de la petite Jeanne ; et avec la petite Jeanne, les rires joyeux, les familiarités attouchantes, les gestes tapageants, les adorables coquetteries de 4 ans « .
Ces enfants lui inspirent à Guernesey le poème Georges et Jeanne (8 août 1870) :
« Moi qu’un petit enfant rend tout à fait stupide,
J’en ai deux ; George et Jeanne, et je prends l’un pour guide
Et l’autre pour lumière, et j’accours à leur voix, (…) »
La petite Jeanne inspirera abondamment Victor Hugo qui lui dédiera plusieurs poèmes.
« Jeanne chante ; elle se penche
Et s’envole ; elle me plaît ;
Et, comme de branche en branche,
Va de couplet en couplet. » Jeanne chante : elle se penche
(…) « Le vieux grand-père, esclave heureux, pays conquis,
La contemple.
Cet être est ici-bas le moindre
Et le plus grand ; on voit sur cette bouche poindre
Un rire vague et pur qui vient on ne sait d’où ;
Comme elle est belle ! » (…) Jeanne dort
(…) « Le berceau des enfants est le palais des songes ;
Dieu se met à leur faire un tas de doux mensonges ;
De là leur frais sourire et leur profonde paix.
Plus d’un dira plus tard : Bon Dieu, tu me trompais. » (…) Jeanne endormie
« Jeanne était au pain sec dans le cabinet noir,
Pour un crime quelconque, et, manquant au devoir,
J’allai voir la proscrite en pleine forfaiture,
Et lui glissai dans l’ombre un pot de confiture
Contraire aux lois. « (…) Jeanne était un pain sec
Vous pouvez écouter « Jeanne était au pain sec » mis en musique et interprété, en juin 2011, par Stéphane Bersier sur Jamendo. (œuvre complète de Stéphane Bersier qui met en musique d’autres poètes)
Jeanne fait son entrée
Jeanne songeait
A Jeanne
A petite Jeanne
Et Jeanne à Mariette a dit
Ce nom de « Papapa » restera. Hugo note le 14 novembre 1873 : » En passant devant Notre-Dame, Georges a dit : Les Tours à Papapa (…) « . C’est Georges qui retranscrit plus tard en 1902, de Florence où il se trouve , les derniers moments de son grand-père : » Soyez heureux, pensez à moi…aimez-moi… Ses yeux souriaient toujours. Encore une faible étreinte de ses mains lisses qui tremblent, un baiser de sa bouche brûlante. Mes chers petits ! Et le dernier regard de Papapa fut sa dernière bonté « .