Le projet de loi de Christine Lagarde, en discussion à l’Assemblée depuis le 24 mars, vise certes à atténuer quelques défauts du crédit à la consommation mais c’est surtout un instrument de développement du crédit, facteur de surendettement. La question de la prévention du surendettement est une fois de plus complètement ignorée malgré les récents rappels de la Cour des comptes.
Dans son projet de loi soumis actuellement à l’Assemblée nationale, Madame Lagarde a prévu toute une batterie de mesures destinées à relancer le crédit. Certes, le texte prévoit quelques solutions destinées à remédier à quelques-uns des pires excès des crédits, mais il fait fi des alertes de la Cour des comptes et des associations de consommateurs en écartant les propositions véritablement efficaces et en négligeant la prévention des situations de surendettement.
Quelques mesures pour donner le change
– L’information des consommateurs : L’appellation unique « crédit renouvelable » (=crédit revolving) devra figurer en lieu et place d’appellations trompeuses comme « réserve d’argent » ou »compte disponible ». Mais, c’est un peu comme si on décidait d’appeler désormais « fromage » des produits qui sont des fromages. Bref, on s’étonne que cela ne soit pas fait depuis longtemps déjà.
– L’allongement du délai de rétractation : il passerait de 7 à 14 jours. Mais là non plus, ce n’est pas une révolution et quelle efficacité réelle en attendre si l’effort de prévention n’est pas à l’ordre du jour ?
– Le contrôle de la publicité trop agressive.
Voilà, c’est à peu près tout. Il convient à présente d’examiner ce que le projet ne prévoit pas.
Des points négligés ou rejetés par le projet :
– Le taux d’usure, c’est-à-dire le taux d’intérêt maximum prévu par la loi, sera maintenu entre 14 % et 20 % (en fonction du montant de l’emprunt). Ce sont évidemment des taux injustifiables.
– L’ambiguïté trompeuse des cartes de fidélité : Beaucoup de clients entrent sans le savoir dans des dispositifs de crédits renouvelables en acceptant des cartes de fidélité qui sont, en fait, des portes grandes ouvertes vers le crédit. Le gouvernement n’entend pas dissiper cette ambiguïté. Et pourtant, les parlementaires de tous bords sont favorables à ce que l’on mette fin à cette pratique abusive. Et bien, non, ce ne sont décidément pas les élus de la Nation qui auront le dernier mot !
– Le fichier positif ne sera pas retenu et c’est tant mieux. Certains avaient proposé un fichier de plus pour recenser tous les Français qui font appel au crédit, qu’ils aient ou non des incidents de paiement ! Fort heureusement, cette idée n’est pas retenue ; elle serait une atteinte à la vie privée et aux libertés.
Mais l’ennui, c’est que le projet ne prévoit aucune solution de substitution, si ce n’est une « fiche de dialogue » bidon sur laquelle l’emprunteur est censé porter en toute bonne foi les informations sur sa situation réelle. Cette fiche de dialogue est supposée lutter contre les crédits aveugles, c’est-à-dire les prêts accordés sans vérification de la solvabilité de l’emprunteur. Sauf que les établissements financiers ne seraient pas, semble-t-il, légalement tenus de consulter le fichier national des incidents de remboursements des crédits aux particuliers (FICP).
Le crédit postal (1) qui vient d’être initié montre au contraire une volonté de dialogue concret et de vérification préalable des comptes. Il appliquera un taux bien en-deçà du taux d’usure : 4,9 %. Preuve que lorsque l’on veut, on peut moraliser les choses en instituant un crédit responsable. Mais en-dehors de ce cas à part, le principe du « laisser faire, laisser passer » s’applique avec le plus parfait cynisme et la plus grande inconséquence.
(1) La Banque postale, filiale du groupe La Poste, va se lancer pour la première fois début avril dans la vente de crédits à la consommation, en partenariat avec la Société générale.
Crédit à volonté et surendettement
En 2009, le nombre de dossiers de surendettement a cru de près de 15% et 86 % des foyers ayant déposé un dossier de surendettement sont passés par la case du crédit revolving, selon un communiqué de la Banque de France du 22 mars 2010.
Pourtant, rien n’est prévu par le projet de Madame Lagarde pour prévenir ces situations de surendettement ni contre les excès du crédit revolving.
A quoi sert-il alors que la Cour des comptes ait dénoncé avec force dans son rapport annuel rendu le 9 février, la politique de lutte contre le surendettement du gouvernement et formulé une série de recommandations très utiles ? (« Le surendettement à l’heure des comptes ») A travers ce projet, on voit quels intérêts le Pouvoir actuel entend défendre au détriment de l’intérêt général !
Le microcrédit, une idée utile mais aujourd’hui dévoyée
Le micro crédit social était à l’origine pensé comme un moyen d’accès à la citoyenneté économique, s’adressant aux personnes qui disposent de faibles ressources et exclues du crédit, en particulier celles qui reçoivent les minima sociaux, comme également de nombreuses personnes aux ressources modestes qui peuvent être affectées par un accident de la vie.
Rappelons que le micro crédit social a été créé en France en 1989 à l’initiative de Maria Nowak, qui a ouvert la première Agence pour le droit à l’initiative économique, l’ADIE. En 15 ans, cette association a développé ses activités dans toutes les régions de France. Depuis sa fondation, l’ADIE a accordé 25 000 prêts à des chômeurs et allocataires du RMI avec des résultats positifs. Les bénéficiaires du RMI et de l’ASS (Allocation spécifique de solidarité) représentent d’ailleurs près des trois quarts des emprunteurs de l’ADIE en 2003.
Le micro crédit social aide aussi à la création d’entreprises. Et cela marche ! 94% des clients remboursent et 64% des entreprises créées avec l’aide d’un prêt de l’ADIE existent encore au bout de 2 ans, soit un taux supérieur à la moyenne des créations d’entreprise recourant au crédit classique. L’ADIE est un organisme de soutien solidaire qui ne se contente pas seulement de prêter de l’argent mais accompagne le projet de son client. L’ADIE a ainsi mis en place des dispositifs de soutien et d’accompagnement pour que la petite entreprise puisse bien démarrer et bien évoluer.
Désormais, la généralisation et la banalisation du microcrédit comme un crédit à la consommation courant, présentent des risques évidents d’aggravation du fléau du surendettement