Dans un précédent article, je vous ai parlé de la crise des finances des collectivités locales. Mais ce n’était qu’un hors-d’oeuvre ! En effet, au risque de vous dégoûter du plat principal, je vais vous parler du financement des collectivités locales. Mon dieu, je vous préviens : c’est horrible. Soyez courageux !
Par où commencer ? Et d’abord, que viens-je donc faire dans cette galère ? Pourquoi me coltiner cette tâche digne des Douze travaux d’Hercule ? Je pouvais peinardement me consacrer à des activités sinon festives du moins plus divertissantes en cette approche de Noël. Ah ! Que voulez-vous, j’ai le sens du partage des connaissances. Et puis, après tout, ce sera fait. Alors accrochez-vous !
Les collectivités ont des ressources propres :
Il s’agit de la fiscalité locale directe et indirecte, des avances et emprunts ainsi que des revenus du patrimoine et pour services rendus. Là-dedans, vous avez en vrac : la taxe d’habitation, la taxe foncière, les droits de mutation de patrimoine à titre onéreux… Inutile d’en faire une énumération exhaustive, ce n’est pas ici que c’est tordu.
Les dotations de l’Etat
Ah voilà, c’est là que ça commence vraiment. Les collectivités territoriales sont financées par les dotations et subventions de fonctionnement de l’État qui représentent environ 30 % des ressources, essentiellement des DGF. Tout le monde a entendu parler de la Dotation globale de fonctionnement (DGF) mais qu’est-ce donc ? Pour chaque niveau de collectivité, il y a une DGF qui se subdivise en deux parties : la dotation forfaitaire, la dotation d’aménagement et la dotation de péréquation (la vocation de cette seconde partie de la DGF est d’assurer une péréquation entre collectivités riches et collectivités plus pauvres). La dotation forfaitaire, pour la commune, se calcule selon l’importance de sa population et de sa superficie. L’autre partie de la DGF, qui s’appelle la dotation d’aménagement, va aux communes (DSU, DSR – : dotations de solidarité urbaine et rurale) et aux EPCI. Pour les départements et régions, la seconde partie de la DGF s’appelle la dotation de péréquation. « Péréquation », c’est pour compliquer l’équation ! Car, voilà – hum ! – la dotation de péréquation des départements comprend une dotation de péréquation urbaine (DPU), destinée aux 32 départements qualifiés d’« urbains » et une dotation de fonctionnement minimale (DFM), destinée aux 64 départements ne bénéficiant pas de la DPU. La dotation de péréquation des régions (vous êtes toujours là ? Bravo !) se substitue depuis 2004 au fonds de compensation des déséquilibres régionaux (FCDR). Mais oui, il faut le savoir çà. Dans un dîner en ville, bah ! non même pas, on s’en fout.
Mais si vous pensez vous en tirer avec çà, vous vous faites des illusions. Il y a encore tout un tas de compensations et péréquations. D’abord, le financement des transferts de compétences suite aux lois de décentralisation : Dotation générale de décentralisation (DGD) : cette dotation compense par exemple les frais occasionnés par la gestion des bibliothèques et les transports scolaires. Fonds de compensation de la fiscalité transférée (FCFT). Dotation départementale d’équipement des collèges (DDEC). Ensuite et pour conclure sur ce point, des dotations et subventions diverses : Dotation globale d’équipement (DGE), versée aux petites communes, aux communes de faible potentiel financier, aux départements; pour des projets d’investissement, Dotation de développement rural (DDR), Fonds de compensation pour la TVA (permet de compenser la TVA payée au titre des dépenses d’investissement par les collectivités territoriales et les EPCI), etc.
A présent, nous allons introduire quelques subtilités…
Les taxes locales après la réforme du 16 décembre 2010 dite « de réforme des collectivités territoriales »
Le volet fiscal de la réforme a supprimé la taxe professionnelle en 2009 lors de la loi de finance pour 2010, et l’a remplacée par de nouveaux prélèvements, en particulier la contribution économique territoriale (CET).
La CET comprend elle-même deux éléments (mon pauvre lecteur !) : l’un repose sur la valeur locative des biens immobiliers, l’autre sur la valeur ajoutée des entreprises. Puisqu’il faut entrer dans les détails barbares, voici :
– la cotisation foncière des entreprises (CFE) qui constitue 60 % de la CET. Elle est assise sur la valeur de l’immobilier (valeur locative des biens passibles d’une taxe foncière). La CFE a été transférée en totalité aux communes et EPCI qui perçoivent aussi 26,5% de la CVAE.
– la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), assise sur la valeur ajoutée (fiscale). Elle se répartit entre les départements (48,5%) et les régions (25%).
Les éventuels dégrèvements sont à la charge de l’État.
Ont été transférées au bloc régions-départements : l’IFER (imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux : réseaux ferrés, téléphoniques, d’énergie) et la CVAE. Régions et départements reçoivent aussi la part d’Etat des droits de mutation à titre onéreux (DMTO).
Aïe ! Aïe ! Aïe ! Oui, je dis « Aïe ! Aïe ! Aïe ! » parce qu’il y a là aussi des…? Péréquations, voyons ! (il y en a qui suivent, chapeau ! )
Encore des péréquations !
Il existe des péréquations verticales (dotations de l’Etat) et des péréquations horizontales (redistribution entre les collectivités locales). La répartition de la dotation se base sur le calcul du potentiel financier de chaque commune, notion créée par la loi de finances pour 2005 et remplaçant la notion de potentiel fiscal utilisée auparavant. Retenez juste cela, mais si vous insistez…
Il y a la compensation de la réforme de la taxe professionnelle :
L’année 2011 est la première année de mise en œuvre de la suppression de la taxe professionnelle. L’année a d’abord été marquée par une toute nouvelle donne fiscale et donc, notamment, une redistribution des ressources. Cette nouvelle donne n’a pas affecté le pouvoir de taux du bloc local, mais il en va autrement pour les départements et régions.
Un mécanisme de la garantie individuelle de ressources en deux phases :
– Une dotation budgétaire de compensation par catégorie de collectivités (communes et EPCI, départements, régions) ;
– Un Fonds National de Garantie Individuelle de Ressources (FNGIR) par niveau de collectivités locales, pour réaliser l’équilibre entre les « perdants » et les « gagnants »
La loi de finances pour 2011 met en place des mécanismes de péréquation horizontale pour les départements :
– fonds de péréquation des DMTO (droits de mutation à titre onéreux), avec un seuil de contribution,
– fonds de péréquation régionaux et départementaux de la CVAE pour répartir le quart du produit de la taxe en fonction de critères de mutualisation (minimas sociaux, voirie, population), et une partie de la croissance de CVAE des collectivités les mieux dotées.
– A partir de 2012, pour les communes et les EPCI : fond national de péréquation qui sera alimenté progressivement par un écrêtement sur les collectivités dont le potentiel financier est substantiellement supérieur au potentiel financier moyen.
– « Pitié ! Pitié ! Pitié ! »
– Quoi , déjà ?
Sachez au moins que l’actualité juridique nous gratifie de la création du fonds de péréquation intercommunal et communal (FPIC). Le Sénat l’a approuvé, le 3 décembre 2011. Bon après, les détails sont fâcheux. Les sénateurs ont préféré un système de coefficient au système des strates de collectivités afin de gommer les « effets pervers » qui étaient pointés du doigt. Il s’agit, en effet, de mettre à l’abri de tout prélèvement les 250 communes urbaines et les 10.000 communes rurales les plus défavorisées (celles qui bénéficient de la part « cible » de la DSU et de la DSR).
Les collectivités viennent d’obtenir leur montant définitif de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) pour 2011, qui remplace la taxe professionnelle et dont elles bénéficient pour la première fois cette année. La CVAE a été étendue aux mutuelles. Mais oui, vous savez bien, le premier plan de rigueur. Ainsi les mutuelles et les institutions de prévoyance entrent-elles dans « le droit commun » de l’impôt sur les sociétés et de la contribution économique territoriale (CET).
Sujet de fâcherie, l’Assemblée nationale a adopté le 6 décembre le quatrième projet de loi de finances rectificative de l’année, avec en prime une réforme de la taxe locale sur la publicité extérieure introduite à la dernière minute par le gouvernement. Les députés PS, PCF, du Parti de Gauche et d’Europe Ecologie-Les Verts mais aussi le président du Modem ont voté contre.
La réforme de la redevance d’archéologie préventive a été approuvée et la taxe locale sur la publicité extérieure (TLPE), instituée par la loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008, a été clarifiée, à savoir que ne seront plus taxés abusivement : les enseignes lumineuses des pharmaciens, les panneaux apposés par les artisans sur les maisons ou les immeubles pendant la durée des travaux (en réponse à une obligation légale), ou encore les menus affichés devant les restaurants.
Bon, je ne sais pas pour vous, mais moi j’en assez. Ah ces incorrigibles shadocks !
Joyeux Noël quand même !