La situation des handicapés s’améliore-t-elle ?

J’aurais pu tirer le bilan complet sur 5 années de la loi sur le handicap de 2005 mais cela aurait été encore plus long et cela a déjà été fait et par plus compétent que moi. Je me contenterai de retracer ce qui a changé pour les handicapés en 2011, sur les différents plans de leur existence.

SCOLARITÉ

Le bilan de l’application de la loi du 11 février 2005 est positif pour la Halde qui formule néanmoins 4 recommandations prioritaires dans sa délibération du 18 avril 2011. Le bilan est tout aussi positif pour le chef de l’Etat qui mandata néanmoins Paul Blanc pour réfléchir et faire des propositions. Le rapport Paul Blanc est devenu une loi le 28 juillet. Pour la Cnaf (caisse nationale des allocations familiales), l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé – AEEH – (créée par la loi Handicap, et qui remplace l’allocation d’éducation spéciale), a favorisé l’intégration scolaire des enfants handicapés, favorisant le développement des Sessad (services d’éducation spécialisée et de soins à domicile) et l’augmentation du nombre d’auxiliaires de vie scolaire.

A propos d’auxiliaires de vie scolaire, lors de la 2ème Conférence du handicap qui s’est tenue le 8 juin 2011 en présence du chef de l’Etat, a été évoqué le rapport Blanc qui prévoyait de changer le statut des auxiliaires de vie scolaire individuels (AVS-i) : meilleure formation, nombre plus important, mission étendue. Le Conseil d’Etat met son grain de sel en adoptant une conception extensive du droit à la scolarisation des enfants handicapés, dans deux arrêts du 20 avril 2011. Il impose à l’État de financer les emplois d’assistants d’éducation occupant des fonctions AVS-i pour l’ensemble de leurs interventions auprès d’enfants handicapés, y compris en dehors du temps scolaire. Mais il rejette, le 24 août, le recours en annulation de l’Association « Vaincre l’autisme » contre certaines dispositions du décret du 2 avril 2009, considérant que l’absence de dispositions spécifiques ne porte pas atteinte au principe d’égalité des usagers devant le service public de l’enseignement.

ACCESSIBILITÉ

Le délai de mise en œuvre est inchangé, ont rappelé le chef de l’Etat et la ministre, notamment à la Conférence du Handicap le 8 juin à Paris. Ce sera donc 2015. Mais tout se passe comme si de nombreuses collectivités comptaient sur l’Etat pour leur accorder au dernier moment un report de l’échéance. En effet, le rapport 2011 du Conseil national consultatif de personnes handicapées constate que 95% de communes n’ont toujours pas élaboré leur PAVE (plan de mise en accessibilité et des aménagements des espaces publics) pourtant obligatoire depuis le 23 décembre 2009. 47% des autorités organisatrices de transports n’ont pas finalisé leur schéma directeur d’accessibilité.

L’UMP toujours à l’attaque du principe de l’accessibilité. L’UMP ne ménage pas ses efforts pour vider de sa substance ce principe au nom du « pragmatisme » si cher aux libéraux pour qui la loi du plus fort est toujours la meilleure. La loi Paul Blanc du 28 juillet 2011 a imposé une dérogation dans un cas précis : pour les « logements destinés à l’occupation temporaire ou saisonnière » (résidences de tourisme). Le Conseil Constitutionnel a validé l’article mais il a censuré un autre article qui, lui, concernait les bâtiments et parties de bâtiments nouveaux. L’UMP revient à la charge avec la proposition de loi Doligé qui plaide pour une définition fonctionnelle et donc plus « pragmatique » (encore ce mot…) du principe d’accessibilité : « la personne handicapée doit pouvoir accéder à toutes les fonctions du bâtiment » et non pouvoir « l’occuper exactement comme un valide ».

Pour ce qui est de la carte de stationnement pour personnes handicapées, il y a du mieux. En effet, la loi Warsmann du 18 mai 2011 dite de « simplification et d’amélioration de la qualité du droit » prévoit dans son article 17 que la carte sera désormais attribuée automatiquement après silence de l’administration pendant 2 mois.

ALLOCATIONS

Une fois n’est pas coutume, Sarkozy tient sa promesse de revaloriser l’AAH de 25 % en 5 ans. Donc 776 euros en 2012, année électorale donc on le croit ! Toutefois, le décret du 16 août 2011 modifie dans la durée d’attribution de l’allocation qui sera différente selon deux cas : 5 ans au maximum, comme avant, dans les cas d’incapacité permanente d’au moins 80 %, 2 ans maximum pour les cas d’IP comprise entre 50 % et 80 %. Dans ce second cas de figure, le demandeur devra en outre justifier de la restriction substantielle et durable pour l’accès à l’emploi, notion introduite par la loi de finances de 2007 en remplacement de celle d’« d’impossibilité de se procurer un emploi » et qui exige la réunion de deux conditions : des difficultés importantes qui ne peuvent pas être compensées. Les commissions auront-elles le temps de réexaminer tous les deux ans les situations ou seront-elles acculées à faire des renouvellement sur listes, ce qui videra la réforme de son idée ?

Pour ce qui est du complément de ressources qui s’ajoute, sous certaines conditions à l’AAH ou aux prestations d’invalidité, la cour de cassation a décidé, le 17 février 2011, qu’il n’est pas attribuable au demandeur qui loge chez ses parents et ne dispose donc pas d’un logement indépendant.

AEEH : Pour prétendre au 6ème complément de l’AEEH, il faut non seulement que l’enfant handicapé impose des contraintes permanentes de surveillance et de soins, mais aussi que l’un des parents ait cessé son activité professionnelle ou qu’il ait eu recours à une tierce personne rémunérée (cour de cassation 3 février 2011).

LA MAISON DES HANDICAPES (MDPH)

La loi Blanc, encore elle, avait pour objectif d’améliorer le fonctionnement des MDPH, de faire adopter des exceptions au principe d’accessibilité, et diverses mesures comme l’orientation professionnelles des jeunes handicapés. La réforme des MDPH, faute de solution alternative (et sans doute de c…), a maintenu et même renforcé le statut de GIP (groupement d’intérêt public) des MDPH. Elle introduit des règles de répartition des compétences de MDPH entre les départements, permet au président du Conseil général de déléguer à une autre MDPH l’évaluation des besoins de la personne handicapée (conventionnement nécessaire), définit les conditions d’échange des informations soumises au secret professionnel, renforce la présence de l’Etat (le directeur de l’ARS siégera à la commission exécutive). Enfin, la loi donne aux sections locales ou spécialisées de la CDAPH des prérogatives équivalentes à celles de la CDAPH (commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées : anciennes COTOREP). Elles pourront consulter la personne handicapée ou, le cas échéant, ses parents ou son représentant légal. Cette réforme vient à la suite d’un rapport de l’IGAS pointant les difficultés des MDPH : leur gouvernance particulière (statut de GIP sous contrôle départemental), plusieurs employeurs, personnels soumis à turn-over élevé, dette importante de l’Etat envers les MDPH, etc.

EMPLOI ET RETRAITE

La loi Blanc encore contient plusieurs mesures en faveur de l’emploi des personnes handicapées. Elle renforce le rôle de Cap Emploi, durcit les conditions de dispense de la surcontribution de l’AGEFIP (créé par la loi Handicap), élargit les compétences du fond d’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP). Elle réforme le régime des aides destinées aux entreprises adaptées et aux centres de distribution de travail à domicile (CDTD) dont elle précise aussi le rôle. Elle offre aux jeunes handicapés les mêmes mesures de protection de la santé et de la sécurité au travail que les jeunes élèves ou apprentis.

La loi du 9 novembre 2010 (décret d’application du 30 décembre) assouplit le régime de retraite anticipée à 55 ans des travailleurs handicapés – créé en 2003 – qui permet aux assurés justifiant d’au moins 80 % d’incapacité et d’une durée minimale d’activité d’en bénéficier. Elle l’élargit aux personnes ayant la reconnaissance de travailleur handicapé au sens de l’article L.5213-1 du Code du travail.

LES MAJEURS PROTÉGÉS

Contribution des majeurs : Ils devront dorénavant contribuer davantage au coût de leur mesure de protection. Le décret du 21 juin élargit l’assiette des ressources prises en compte, qui inclut désormais les assurances-vie (à hauteur de 3 % de leur valeur) et la totalité du RSA. C’est au majeur de payer l’indemnité complémentaire exceptionnelle. L’exonération de sa participation en cas de difficultés peut désormais être renouvelée.

Rémunération de mandataires : Par décret du 1er août 2011, le gouvernement édicte les nouvelles règles de rémunération des mandataires personnes physiques. Le régime de participation du majeur est changé à compter du 1er janvier 2012 (notamment, l’année de référence sera N moins 2 et non plus N moins 1).

Mise en œuvre de la réforme du 5 mars 2007 de la protection juridique des majeurs : Cela ne va pas si bien. Mais cette fois ce sont les départements qui se font tirer l’oreille. La Fédération hospitalière de France s’inquiète du refus des départements de financer (par une hausse des tarifs d’hébergement) les mesures de protection de majeurs. Or, la loi de 2007 prévoit que certains établissements sont tenus d’assurer une fonction de mandataire judiciaire à la protection de majeurs (MJPM) pour le compte des personnes soignées ou hébergées en leur sein.

La cour de cassation veille… Dans son arrêt du 23 mars, permet une dérogation au principe de priorité familiale, édicté par la loi, dans la désignation du tuteur ou curateur. Le 9 février 2011, la cour rappelle que la loi a consacré le principe de subsidiarité selon lequel une mesure de protection ne peut être ordonnée que si une autre mesure moins contraignante ne suffit pas. Au juge donc de caractériser cette nécessité. La cour de cassation rappelle, dans trois arrêts du 29 juin 2011, que le juge des tutelles doit respecter le principe du contradictoire, que la sauvegarde de justice pour la durée de l’instance (demande de curatelle ou de tutelle) est exécutoire immédiatement, que l’absence de certificat médical (même suite à un refus de se soumettre à l’examen) empêche l’ouverture d’une mesure de protection. Le 23 février 2011, la cour décide que l’action en justice contre un majeur protégé doit être signifiée au curateur sous peine de nullité. Enfin, si depuis le 1er janvier 2010, les décisions rendues par le juge des tutelles, tout comme les délibérations du conseil de famille, sont susceptibles d’appel, le ministre précise qu’une simple lettre du juge ne constitue pas une décision (sans quoi les voies et délais de recours y seraient mentionnés).

DISPOSITIF ANTI-PERRUCHE

Depuis la loi du 4 mars 2002 introduisant un dispositif anti-Perruche, seul le préjudice personnel des parents lié à la faute caractérisée d’un professionnel ou d’un établissement de santé à leur égard peut donner lieu à réparation. Mais le Conseil constitutionnel a censuré l’article 2 de la loi Handicap qui prévoyait d’appliquer de façon rétroactive cette restriction aux instances en cours lors de l’entrée en vigueur de la loi, à savoir le 7 mars 2002. Le Conseil d’Etat, le 13 mai 2011, décide qu’en vertu de la décision du Conseil constitutionnel, les instances introduites avant cette date peuvent donner lieu à réparation du préjudice de parents d’enfants nés avec un handicap.

ETABLISSEMENTS

Alors ici, cela ne pas très bien. L’amendement Creton (1989) qui devait n’être que provisoire est-il appelé à durer un siècle ? Les enfants handicapés qui sortent d’IME trouvent toujours aussi difficilement place en structure pour adultes. Pas mieux qu’en 2008.

Dans la catégorie « divers et variés », un arrêté du 13 juillet 2011 précise les modalités de mise en œuvre des groupes d’entraide mutuelle (GEM) mis en place par la loi Handicap. Il s’agit de structures originales fondées sur le principe de regroupement de plusieurs personnes handicapées pour mettre en place un projet commun. Le GEM est subventionné par l’ARS (L’ARS est le morceau de l’ancienne DDASS qui s’occupe du volet sanitaire au plan régional). L’arrêté arrête un cahier des charges et ne limite pas les GEM au handicap psychique.

Sans surprise, le plafonnement des tarifs en ESAT est reconduit en 2010 (financement maximum par place pouvant être accordé par le préfet). Le Conseil d’Etat, dans un arrêt du 4 février 2011, a rejeté la requête formée par l’APF contre l’arrêté de 2009, précisant que les tarifs différenciés en fonction des publics accueillis ne sont « pas contraires au principe d’égalité ».

Ouf ! On a fait le tour ? Globalement, c’est moins grave que si c’était pire, comme disait Coluche, dans la mesure où on aurait pu craindre des remises en cause plus étendues de la part de l’UMP et des coupes claires dans les crédits en temps de crise. Sur les plans de la scolarité et de l’emploi, on ne peut pas parler de mauvaise volonté des pouvoirs publics. Pour la revalorisation de l’AAH non plus. Mais on ne peut pas parler non plus de politique ambitieuse et cela pêche toujours du côté des places en structures pour adultes. On attend de voir comment l’année se finira (surtout lors du vote du budget 2012), et quel sera le bilan de ce quinquennat.

 

 

 

 

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