La réforme de l’adoption est-elle frappée de malédiction ?

Michèle Tabarot, députée et présidente de la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée et spécialiste de l’enfance ainsi qu’une soixantaine d’autres députés de la majorité ont déposé une proposition de loi sur l’adoption.

Ces dernières années, les tentatives législatives de réforme de l’adoption semblent frappées de malédiction. Souvenez-vous, en avril 2009, l’affaire n’allait pas faire un pli selon le gouvernement.

Jean-Marie Colombani, par ailleurs ancien directeur du Monde, fut nommé à la tête de la mission de réflexion sur l’adoption. Il a remis en mars 2008 son rapport au président de la République sur l’adoption internationale. Partant du constat que la réforme de 2005, créant une Agence française de l’adoption (AFA), ne s’est pas traduite par l’accroissement du nombre des adoptions, alors même que le nombre d’agréments accordés reste bien supérieur (8 000 par an), il proposa un plan d’action gouvernementale pour relancer l’adoption nationale et internationale.

Dans la foulée de ce rapport, un projet de loi avait été déposé au Sénat. Puis plus rien. Il ne fut jamais inscrit à l’ordre du jour. Aujourd’hui, c’est une proposition de loi et elle est soumise à l’Assemblée nationale depuis le 21 septembre 2011.

Si jamais, cette fois, on passe l’étape de l’inscription à l’ordre du jour, la discussion risque d’être très vive sur la question de la modification de l’article 350 du code civil. De quoi s’agit-il ? Cet article stipule actuellement, « la demande en déclaration d’abandon est obligatoirement transmise par le particulier, l’établissement ou le service de l’aide sociale à l’enfance qui a recueilli l’enfant à l’expiration du délai d’un an dès lors que les parents se sont manifestement désintéressés de l’enfant ».

La proposition de loi veut substituer la notion de « délaissement parental » à celle de « désintérêt manifeste ». Ce changement permettrait de conférer à davantage d’enfants le statut de pupille de l’Etat. Mais en 2009, c’est précisément ce qui avait provoqué la levée de boucliers et incité le gouvernement à ne pas pousser davantage son projet de loi. Le « délaissement parental » serait caractérisé par les carences des parents dans l’exercice de leurs responsabilités parentales compromettant le développement psychologique, social ou éducatif de leur enfant. L’appréciation de cette notion pourrait s’avérer une pente glissante et dangereuse. En effet, des délaissements temporaires pour raisons matérielles ou instabilité affective, pourraient entraîner des ruptures de filiation avec les parents et des placements en vue d’adoption. Cette notion est bien plus sujette à l’interprétation subjective que la na notion actuelle de « désintérêt manifeste ».

La proposition de loi propose aussi de réformer la procédure d’agrément mais ce ne sont pas là de grands sujets à controverse. A titre d’information : possibilité, pour le président du conseil général, de prolonger d’une année non renouvelable la durée de l’agrément, obligation pour la personne agréée de « confirmer annuellement qu’elle maintient son projet d’adoption ». Enfin un changement de situation matrimoniale entraînerait la caducité de l’agrément et non plus son retrait comme aujourd’hui. Cette mesure aurait pour avantage de supprimer le délai de latence de 30 mois pour déposer une nouvelle demande. En matière internationale, la proposition de loi précise les missions de l’Agence française de l’adoption (AFA), en renforçant son rôle d’information et de conseil auprès des candidats. Très bien.

Une étude vient à point nommé montrer que le nombre de pupilles va s’accroître. C’est l’Ined qui, dans le dernier numéro de sa revue « Population », publie une étude sur les accouchements sous X en France (le terme approprié étant « accouchement secret »). Il en ressort notamment que la situation matérielle semble bien être un facteur important dans la décision des femmes et que le nombre d’accouchements secrets a connu en 2009 une assez nette remontée. De l’ordre d’un millier par an au milieu des années 90, il était descendu aux alentours de 600 au milieu des années 2000. Mais ce chiffre devrait finalement être de l’ordre de 680 pour l’année 2009. La crise pousse de plus en plus de femmes à accoucher dans le secret, ce qui devrait réjouir les candidats à l’adoption. Comme on dit le malheur des uns fait le bonheur de autres…Si le gouvernement continue sa politique de mépris envers les pauvres et les démunis, il n’aura même plus besoin de faire passer sa réforme de l’adoption du moins sur le sujet qui fâche. Cynisme quand tu nous tiens !

Annexe : historique des réformes :

La grande loi de réforme sur laquelle repose encore l’essentiel de notre droit actuel date du 11 juillet 1966 et traite en deux chapitres de l’adoption plénière, qui est l’adoption de référence et de l’adoption simple (loi no 66-500, 11 juillet 1966).

D’autres réformes, plus techniques, sont intervenues depuis, notamment :

– La loi du 22 décembre 1976 (loi. no 76-1179, 22 déc. 1976) qui élargit les conditions d’adoption,

– La loi du 5 juillet 1996 (loi no 96-604, 5 juillet 1996)

– La loi du 6 février 2001 (loi no 2001-111, 6 février. 2001) relative à l’adoption internationale.

– La loi du 4 juillet 2005 (loi no 2005-744, 5 juillet 2005) a créé l’agence française de l’adoption (AFA) ayant pour mission d’informer, de conseiller et de servir d’intermédiaire pour l’adoption des mineurs étrangers.

– La loi du 4 juillet 2005 a posé les bases et la mise en place d’une autorité centrale pour l’adoption en 2006. Pas de réforme votée depuis et actuellement, donc, toute la procédure de l’adoption repose sur cette loi.

Lien vers le dossier législatif

 

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