A la Conférence du Handicap du 8 juin à Paris, Nicolas Sarkozy avait déclaré à propos de l’accessibilité aux lieux publics : « Notre horizon est 2015. Je ne céderai pas sur cette échéance (…) Il ne nous reste donc plus que trois ans« .
MMe Bachelot avait pris le même engagement. Aujourd’hui, elle félicite chaudement le sénateur Paul Blanc pour son projet de loi, adopté par le Parlement le 28 juin, qui introduit des dérogations possibles au principe d’accessibilité généralisée. Il est vrai qu’elle ne s’était engagée que sur l’échéance de 2015, pas sur le principe lui-même ! Sommes-nous bêtes de ne pas savoir bien lire entre les lignes ?
L’APF s’indigne de cette mesure. Elle fait aussi remarquer au passage certaines choses inadmissibles : sa délégation « n’a pas pu accéder à l’hémicycle du Sénat, comme tout citoyen, en raison de l’inaccessibilité de l’espace réservé au public », et que le salon mis à la disposition de ses représentants « ne permettait pas de suivre les débats dans de bonnes conditions« . Elle a raison de s’en offusquer. Les personnes handicapées ne doivent pas être considérés comme des citoyens de seconde zone et surtout pas à l’Assemblée nationale qui parle au nom du Peuple.
A-t-elle raison de critiquer aussi vivement l’article 4 ter A du projet de loi de Paul Blanc qui donne une base légale à d’éventuelles dérogations au principe d’accessibilité généralisée « pour les logements destinés à l’occupation temporaire ou saisonnière dont la gestion et l’entretien sont organisés et assurés de façon permanente » ? J’en suis moins sûr. Cette disposition n’est certes pas satisfaisante mais elle est moins dure que celle qui était contenue dans le décret du du 21 octobre 2009 qui a d’ailleurs été censurée par le Conseil d’Etat puis par le Conseil constitutionnel.
Pourtant, il est curieux de constater que les officiels avaient évoqué avec emphase l’accessibilité lors de la Conférence nationale du handicap, le 8 juin, soit quelques jours avant le votes du projet de Paul Blanc, pour finalement faire pleuvoir aujourd’hui cette douche froide sur les handicapés.
Il n’empêche que le gouvernement ne donne pas de signe d’abandon de cette question. Un portail sera ouvert (www.accessibilite.gouv.fr : inaccessible pour le moment !). Il a été décidé de l’élaboration d’un label sur l’accessibilité des bâtiments d’habitation. L’engagement d’un « chantier sur l’accompagnement à l’accès au logement» a été pris. Des actions liées à l’accès aux nouvelles technologies seront menées. Enfin, nous le disions d’entrée, Nicolas Sarkozy a déclaré sont attachement pour le respect de l’échéance de 2015.
Quant à la disposition de la loi Paul Blanc, elle dit exactement ceci :
Article 19 :
I. – Après le premier alinéa de l’article L. 111-7-1 du code de la construction et de l’habitation, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés : « Un décret en Conseil d’État, pris après avis du Conseil national consultatif des personnes handicapées, fixe les conditions dans lesquelles des mesures de substitution peuvent être prises afin de répondre aux exigences de mise en accessibilité prévues à l’article L. 111-7 lorsque le maître d’ouvrage apporte la preuve de l’impossibilité technique de les remplir pleinement du fait de l’implantation du bâtiment, de l’activité qui y est exercée ou de sa destination. (…) »
Article 20 :
I. – Après le premier alinéa de l’article L. 111-7-1 du code de la construction et de l’habitation, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés : « Pour les logements destinés à l’occupation temporaire ou saisonnière dont la gestion et l’entretien sont organisés et assurés de façon permanente, un décret en Conseil d’État, pris après avis du Conseil national consultatif des personnes handicapées, fixe les exigences relatives à l’accessibilité prévues à l’article L. 111-7 et aux prestations que ceux-ci doivent fournir aux personnes handicapées. (…) »
En résumé, il s’agit bien toujours de se conformer à l’exigence légale d’accessibilité mais d’adapter cette exigence pour les cas des logements destinés à l’occupation temporaire ou saisonnière qui devront cependant apporter la preuve de l’impossibilité technique de répondre aux exigences techniques de droit commun. Tout va dépendre du contenu du décret qui va rendre cette dérogation applicable. Aux associations de handicapés et au Conseil d’Etat de se montrer une fois de plus vigilants.
A noter quand même que la CNSA (Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie) vient de mettre en réserve son enveloppe de crédits « personnes handicapées ». Son plan d’aide à l’investissement pour 2011 prévoit une enveloppe de 66,9 millions pour les personnes âgées et de 46,4 millions pour les personnes adultes lourdement handicapés. Mais cette seconde enveloppe est « intégralement mise en réserve« . Les directeurs généraux d’agences régionales de santé (DGARS) ont donc reçu pour consigne de ne pas procéder à une « programmation sur le champ handicap, à l’exception des opérations prévues au titre des engagements » pris dans le cadre des contrats de projets Etat-régions (CPER). Pourquoi ? mystère !
Alors, peut-être que les handicapés pourront mettre leurs votes de droite aussi « en réserve »…