L’AME : l’UMP fait tout le contraire de ce qu’il faudrait faire

Dans mon article du 5 novembre 2010, j’alertais sur les risques importants de conditionner l’accès aux soins gratuits à un droit d’entrée pour l’aide médicale de l’Etat. J’insistais particulièrement sur le poids des dépenses hospitalières consécutives au phénomène de non recours à l’aide médicale, puisque faute de se soigner à temps, on finit par aller à l’hôpital et cela fait un ardoise importante pour le contribuable.

Je n’étais pas le seul à dénoncer cette supercherie populiste de l’UMP qui sous prétexte de désigner les étrangers et de faire des économies sur leur sort va en réalité faire flamber les dépenses. Ainsi, Jean-Luc Bennahmias, député européen et vice-président du Mouvement Démocrate, intervenait-il sur le site du Mouvement Démocrate le 14 décembre 2010.

« L’efficacité dans la réduction des déficits doit être conjuguée avec l’exigence de la justice sociale », déclarait Jean-Luc Bennahmias. Et cela vaut particulièrement en ce qui concerne l’aide médicale d’État. Vu l’état de nos déficits, il va falloir trouver de l’argent. Or dans cet exercice difficile mais obligé, l’efficacité doit être conjuguée avec l’exigence de la justice sociale. À s’attaquer inlassablement aux plus démunis d’entre nous, à savoir les personnes en attente de régularisation, une chose est certaine : Les marges dégagées seront minimes. Les miettes récupérées d’une main seront inévitablement redonnées de l’autre. In fine, il n’y aura aucun bénéfice net à pinailler sur quelques euros pour des personnes qui survivent dans une précarité indicible. Le sénat avait fait du bon travail. Là où il est si facile de tomber dans la démagogie et le populisme. Il faut y revenir ! Disons le avec franchise, des efforts budgétaires, il va falloir en faire ! Tous et sur la durée, mais les marges de manœuvre, les grands enjeux, les vrais enjeux ne se trouvent pas dans les fonds de poche de celles et ceux qui sont le plus en difficulté. Un rapport parlementaire vient nous donner raison.

Le principe de l’aide médicale d’Etat (AME) doit être préservé.

Rappelons que l’AME s’adresse particulièrement aux étrangers en situation irrégulière disposant de moins de 634 euros par mois et étant sur le territoire depuis au moins 3 mois de se faire soigner gratuitement. Enfin, théoriquement.

Deux rapporteurs, l’un du PS (Christophe Sirugue, député de Saône-et-Loire), l’autre de l’UMP (Claude Goasguen, député  de Paris), bien que mus par des motivations différentes, parviennent à la même conclusion : le principe de l’aide médicale d’Etat (AME) doit être préservé. Les deux parlementaires étaient chargés par le comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques de l’Assemblée nationale d’une étude sur l’AME. Ils ont publié leur rapport publié le jeudi 9 juin.

Messieurs Goasguen et Sirugue écrivent ceci : « Des considérations humanitaires comme des impératifs de politique de santé publique imposent le maintien de l’accès aux soins à ces personnes. Les coûts correspondants ne suffisent pas à motiver sa suppression ».

Où est la prétendue fraude ?

Les deux députés démontrent que « les facteurs décisifs de la hausse des dépenses ne semblent imputables ni à une hausse du nombre d’ayants droit par ouvrant droit, ni à une forte croissance de la consommation moyenne, ni à la fraude. » Selon la Caisse nationale d’assurance-maladie, le taux de fraude à l’AME est marginal : 33 dossiers en 2008, 24 en 2009, 20 dossiers sur les trois premiers trimestres 2010. Le taux de fraude reste très limité à 0,3 %.

Le danger n’est pas la fraude mais bien le non recours à ce régime.

Par conséquent, il faut mettre le paquet sur la prévention et faciliter l’accès à l’AME et non l’inverse : restreindre encore davantage l’accès comme cela a été décidé au moment du vote de la loi de finances de la Sécurité sociale en décembre.

En matière de prévention, les deux députés expriment une idée intéressante: la mise en place obligatoire d’une visite médicale au moment de l’entrée dans l’AME. « Cela permettra d’anticiper les problèmes bucco-dentaires ou de vue, par exemple, ainsi que toute pathologie grave, dans le bien du patient, mais aussi pour éviter prise en charge à l’hôpital, plus coûteuse », commente Christophe Sirugue.

Il faut surveiller de très près les dépenses hospitalières : Les prévenir au maximum par de moyens de prévention mais aussi stopper l’évolution du coût du dispositif de l’accès aux soins destiné aux sans-papiers. Ce coût s’envole du fait des fortes tarifications hospitalières. Les factures hospitalières ont explosé, alors qu’elles représentent les trois quarts des dépenses de l’AME. Les députés, pour répondre au problème, proposent d’adopter progressivement une tarification de droit commun.

Les deux députés divergent sur un point, celui du droit d’entrée à 30 €. Claude Goasguen estime qu’il s’agit d’une participation « symbolique » légitime. Le député socialiste, lui, craint une chute du recours au dispositif, qui cible les personnes dont les revenus sont déjà inférieurs à 634 €. Mais la mise en œuvre de cette économie de chandelle peut s’avérer coûteuse en réalité. Outre les frais bureaucratiques liés aux recouvrements des recettes, la non prise en charge en amont de patients peut entraîner un effet multiplicateur des dépenses (hospitalisations).

L’AME joue un rôle important de santé publique pour éviter la propagation des maladies contagieuses. Réduire l’accès à l’AME revient à accentuer ces risques. D’autant plus que la politique du gouvernement les a déjà aggravés en rejetant dans la clandestinité nombre de demandeurs d’asile et en inquiétant les sans-papiers dont certains n’osent plus se rendre chez le médecin.

Il est temps de dire ce que nous voulons : du défoulement démagogique et populiste ou une maîtrise de nos dépenses de soins ?

 

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