Depuis 2004, une journée de solidarité permet d’abonder le budget de personnes âgées de plusieurs milliards (2,4 milliards cette année). Le chantier sur la dépendance conduit aujourd’hui à se demander s’il ne faudrait pas créer une deuxième journée de solidarité.
Qui souhaite une deuxième journée de solidarité ?
Jean-Pierre Raffarin d’abord, bien entendu, puisqu’il est l’initiateur de 1ère journée de solidarité.
La secrétaire d’Etat Marie-Anne Montchamp ensuite.
Qui ne veut pas d’une deuxième journée de solidarité ?
Entre autres, le Conseil économique social et environnemental (CESE) qui est l’auteur du rapport demandé par le Premier ministre. Le CESE était en effet chargé, sous la présidence de Jean-Paul Delevoye, de préparer un rapport sur le sujet : avis sur les principaux enjeux et sur les différentes évolutions envisageables, sur la répartition du financement des dépenses, sur le coût des mesures et les modalités de financement préconisées.
Le CESE est pour le recours principal à la solidarité nationale mais contre une seconde journée car la journée existante ne repose pas sur une véritable solidarité (son mécanisme ignore une partie des revenus). C’est une position que je peux comprendre : comment prétendre créer une seconde journée de solidarité alors que la première journée n’est pas une vraie journée de solidarité (elles ne touchent pas tous les actifs mais seulement les salariés. Certains sont exemptés de contribution ou contribuent moins que d’autres à proportion de leurs revenus) ?
Quels sont les autres scénarios de financement envisagés ?
1 – Le financement sur les successions.
L’aide sociale, comme le minimum vieillesse se servent sur la succession du bénéficiaire après son décès, dans la limite des conditions légales. Traditionnellement, l’aide sociale est en effet considérée comme une avance et donc récupérable en cas de « retour à meilleure fortune » ou sur la succession, voire même sur les donataires. La récupération sur l’actif net successoral dans la limite du seuil légal fixé est une recette non négligeable pour les organismes d’aide mais elle présente l’inconvénient de décourager des personnes de demander l’aide. Elle pénalise aussi les héritiers qui ne sont pas forcément riches.
La mission sénatoriale s’était prononcée pour une solution innovante : une « prise sur gage » optionnelle de 20.000 euros maximum sur une fraction du patrimoine dépassant 150.000 ou 200.000 euros.
Le recours sur la succession des bénéficiaires et la prise sur gage semblent aujourd’hui écartés au profit d’une taxe sur l’ensemble des mutations à titre gratuit, à savoir sur les successions et donations, hors transmission d’outil professionnel. Cette taxe permettrait de récupérer 1,5 milliard d’euros avec un taux fixé à 1 %.
2 – Augmenter la CSG ?
Le CESE propose d’aligner le taux plein de la CSG sur les pensions de retraite (6,6 %) sur celui des salaires des actifs (7,5 %), « cette solution pouvant être envisagée au-dessus d’un certain seuil de revenus« , pour éviter de peser trop lourdement sur les petites pensions. Elle permettrait d’engranger 1,7 millliard d’euros.
François Fillon a déclaré mardi 14 juin à Marseille, en ouverture d’un débat sur la dépendance, que toutes les pistes évoquées restaient sur la table, à l’exception notable d’une « augmentation générale de la CSG« . « Je veux dire très solennellement (…) qu’une hausse généralisée des prélèvements obligatoires serait préjudiciable à notre économie et n’est pas souhaitable« . « Il faut donc exclure toute augmentation générale de la CSG parce que ce serait une solution de facilité dont les conséquences pèseraient lourdement sur l’emploi et l’activité« . Ce rejet d’une « augmentation générale » de la CSG (sous-entendu du taux de prélèvement) ne dit rien sur les intentions du premier ministre concernant l’assiette d’imposition et cela laisse entendre qu’il adhère à la proposition du CESE. Les petites pensions seront-elles exemptées d’augmentation de taux comme le suggère le CESE ?
3 – Le recours à l’assurance privée complémentaire et facultative
La solution du financement par l’assurance était exclue au départ quand Sarkozy parlait de financement public sous la forme d’un « cinquième risque » de la Sécurité sociale. La position du chef de l’Etat a évolué en raison de la prise de conscience du coût important pour la collectivité.
Prenant le contre-pied de la députée Valérie Rosso-Debord, la mission sénatoriale écartait en janvier la mise en place d’une assurance obligatoire. La mission plaida pour le développement de l’assurance dépendance mais sur la base du volontariat et marque son penchant en faveur de l’inclusion automatique d’une couverture dépendance aux contrats de complémentaire santé/prévoyance souscrits sur la base d’une adhésion individuelle.
Le chef du gouvernement se rallie au consensus « possible sur le renforcement de la prévoyance« . Mais de « nombreuses voix se sont élevées pour dénoncer le caractère contraignant, complexe, voire injuste d’une formule d’assurance obligatoire« , a relevé le Premier ministre. « Cette formule ne sera pas retenue, car c’est à partir de notre socle de solidarité que nous allons progresser. L’assurance restera donc complémentaire et facultative« , a-t-il promis.
C’est aussi l’avis du CESE qui constate : « En complément du socle de solidarité nationale, l’intervention d’organismes complémentaires est une réalité depuis un certain nombre d’années« . Le CESE préconise donc le recours à l’assurance mais avec un cadre réglementaire : création d’un label public accordé aux contrats respectant un cahier des charges, un référentiel commun opposable au public comme au privé « afin d’évaluer le degré de perte d’autonomie« , une aide publique à la souscription devant enfin être prévue pour permettre aux revenus modestes d’accéder à une couverture complémentaire un peu comme l’aide au financement privé d’une mutuelle.
En conclusion
Plus personne n’envisage la TVA sociale, et l’augmentation des cotisations vieillesse dans la foulée de la réforme de la retraite et à l’approche de présidentielle semble hautement improbable. A noter que le CESE s’inquiète aussi de voir réduire le reste à charge des personnes âgées en établissements et qu’il voudrait relever le plan d’aide qui est souvent insuffisant pour couvrir les besoins (Une étude de la Drees sur les montants des plans d’aide accordés aux bénéficiaires de l’APA à domicile montre que dans 26% des cas, l’aide suffit tout juste ou ne suffit pas à couvrir les besoins). Le CESE préconise enfin de garder les personnes dépendantes classées dans les groupes GIR 5 et GIR 6 dans le giron de la Sécurité sociale et de renforcer la formation dans la filière des métiers de l’aide à domicile aux personnes.
Rappelons aussi que les départements – principaux acteurs concernés – réclament à cor et à cri de revenir à une parité de financement de l’APA entre Etat et conseils généraux ainsi que de la nécessité de revoir les critères de péréquation de l’enveloppe APA.
Site officiel du chantier de la dépendance : http://www.dependance.gouv.fr/