La réforme de la dépendance dépendra…

Après tant d’année de procrastination, la réforme est enfin mise sur les rails avec un calendrier. Mais rien n’est fait et l’accouchement dépendra essentiellement de deux choses incontournables : du financement pour ce qui est de l’ampleur de la réforme, de la nature de la loi (ordinaire ou organique) pour l’entrée en vigueur. On peut ajouter un élément subjectif : le choix politique du moment (avant ou après les Présidentielles ?)

C’est le Président de la République qui a dessiné à grands traits le calendrier. Ce sera le premier semestre 2011 pour ce qui est du débat.

La ministre a confirmé que les mesures financières devraient figurer dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2012, débattu au Parlement à l’automne prochain. Ce qui veut dire que l’on discute d’abord du budget à allouer avant de dire quel besoin sera couvert au lieu de faire la démarche habituellement inverse : évaluer le besoin pour ensuite mettre les moyens en face. Le débat va s’ouvrir sur cette question épineuse et délicate du financement.

1 – L’organisation du débat sur la prise en charge de la dépendance

– Quatre groupes de travail plancheront sur les thématiques suivantes dès janvier prochain : « Société et vieillissement », « Enjeux démographiques et financiers de la dépendance », « Accueil et accompagnement des personnes âgées », « Stratégie pour la couverture de la dépendance des personnes âgées ».

– Deux groupes de travail, mis en place en début d’année 2010, travaillent déjà actuellement sur certaines questions : le premier est chargé d’élaborer un référentiel d’évaluation et de reconnaissance de la perte d’autonomie commun aux pouvoirs publics et aux assureurs. Le second devrait définir les conditions de labellisation des contrats d’assurance dépendance.

– Le Conseil économique, social et environnemental (Cese) contribuera au débat.

Pour assurer le suivi de l’avancement du débat national, un comité interministériel devrait être installé. Par ailleurs, des concertations régionales seront lancées

Enfin l’Assemblée des départements de France (ADF) travaille séparément. Elle a lancé ses « assises de l’autonomie et de la dépendance » et elle a déploré le report probable des mesures structurelles. Par nature, dans le PLFSS, on ne met que des décisions d’ordre financier et non de structure. Par ces assises de l’autonomie, l’ADF compte « mener une réflexion prospective sur la question de l’autonomie et de la dépendance », « faire entendre la voix des départements dans le débat public » et « faire des propositions au gouvernement » en mai 2011 à l’issue d’une journée nationale de débat à Paris.

2 – Sur le fond du débat, deux questions se posent

– Cinquième branche ou cinquième risque ? Au vu des déclarations du chef de l’État, le 16 novembre, il ne devrait pas y avoir de création d’une nouvelle branche de la Sécurité sociale, du moins pas dans la forme actuelle. La référence à « une nouvelle branche de la Sécurité sociale » renvoie en effet aux assurances sociales. L’expression « Cinquième risque », évoque plutôt le recours à un système assurantiel.

– Droit universel et convergence abandonnés ? La perspective de créer « un droit universel à la compensation pour l’autonomie » destiné tant aux personnes âgées qu’aux personnes handicapées, tel que l’envisageait la CNSA dans son rapport annuel 2007, semble bien enterrée. Le principe d’une convergence totale avec alignement par le haut des prestations accordées aux personnes âgées dépendantes et aux personnes handicapées a été jugé inaccessible par les sénateurs car il engendrerait un surcoût de 8 milliards d’euros par an. Les montants annuels moyens respectifs des plans d’aide sont en effet deux fois plus élevés pour la prestation de compensation du handicap (12 800 €) que pour l’APA (5 800 €).

3 – Le préalable du financement

Pour se faire une idée de l’enjeu : Le coût moyen actuel varie selon la dépendance de 300 euros et 5300 euros par mois à domicile, de 1500 à 1800 euros par mois en établissement en province. En région parisienne et à Paris, ces coûts sont encore plus importants. L’APA laisse un reste à charge de la personne et le recours à l’assurance ne décolle pas vraiment bien que 5% de la population soit actuellement couverte (20% chez les plus de 60 ans). Ce à quoi il faut ajouter les disparités départementales de la gestion des aides et des tarifications des établissements, ainsi que le problème de l’important « reste à charge » pesant sur les personnes âgées. Partant de là, il faut encore débattre sur les différents sources de financement possible et ici les idéologies (éventail large qui va du tout Etat au tout privé) s’affrontent.

La concertation doit en principe déboucher sur des mesures à l’automne 2011 dans le cadre, tel que l’a annoncé Nicolas Sarkozy lors de son interview télévisée du 16 novembre, du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2012. Mais « le débat sur la dépendance ne sera pas clos à la fin de 2012 », a déclaré la ministre des Solidarités et de la Cohésion sociale, faisant référence notamment à la nécessité d’un recours à une loi organique (c’est-à-dire un texte d’organisation des pouvoirs publics) « Si on décidait de créer une cinquième branche de la sécurité sociale – je ne dis pas qu’on va le faire, c’est une possibilité. »

– La voie des assurances privées : Valérie Rosso-Debord suggère d’instituer un dispositif « d’assurance universelle obligatoire ». La mission parlementaire préconise en effet de rendre obligatoire, dès 50 ans, la souscription d’un contrat d’assurance perte d’autonomie respectant un cahier des charges défini par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA). Et en attendant que l’assurance dépendance se substitue totalement à l’APA, elle suggère une refonte de cette allocation, et notamment l’éviction des personnes âgées classées en GIR 4, afin de recentrer son attribution en faveur des personnes âgées les plus dépendantes.

– Le recours au patrimoine des bénéficiaires. Il serait question de proposer à tout demandeur de l’APA possédant un patrimoine d’au moins 100 000 €, un droit d’option entre le service d’une allocation à taux plein, mais avec acceptation du recours sur la succession future pour un montant maximum de 20 000 € (montant correspondant à la moyenne des montants servis au titre de l’APA par bénéficiaire), ou l’attribution d’une allocation réduite de moitié, mais sans récupération sur la succession. Parallèlement, la mission envisage la suppression du recours des départements auprès des obligés alimentaires des bénéficiaires de l’aide sociale à l’hébergement. Mais instaurer un droit d’option reviendrait à ne pas raisonner en termes de besoin d’aide, critère qui devrait prévaloir dans le cadre d’un dispositif dit universel.

Ce point mérite qu’on s’y arrête un instant. Il est contraire aux principes de l’aide sociale de tenir compte du patrimoine en lui-même pour l’appréciation de l’éligibilité à l’aide. En effet, traditionnellement, on reconnaît le besoin, on l’évalue, puis on apporte l’aide sociale nécessaire pour faire face tout en appliquant le caractère subsidiaire de l’aide sociale (qui n’intervient qu’après épuisement des autres possibilités de financement y compris familiales quand l’obligation alimentaire n’est pas écartée par le législateur au profit de la solidarité nationale). Mais le patrimoine n’entre jamais en ligne de compte au moment de l’admission. Ce n’est ni un revenu ni un critère de chiffrement du plan d’aide.

– D’autres pistes ont été évoquées, comme l’extension de l’assiette de la contribution sociale généralisée (CSG) et de la contribution solidarité autonomie (CSA).

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