On vit dans un monde de prime à la casse. Mon pauvre monsieur, ce n’est plus comme avant où la casse était un acte totalement gratuit et désintéressé. Aujourd’hui, le patron voyou a tout intérêt a casser ses usines et ses emplois pour mieux rentabiliser ses profits et ceux de ses actionnaires. Le gouvernement parie sur la casse sociale pour faire son beurre : faire passer une réforme sur les retraites qui profite au grand capital et qui favorise les grands fonds de pension (comme ceux d’un certain Guillaume Sarkozy). Les jeunes des banlieues ont intérêt à casser pour passer à la télé qui leur promet depuis le berceau leur quart d’heure de gloire.
« Casse-toi, pov’ con », « casse-toi tu pues et marche à l’ombre » : la casse est désormais un mode relationnel de premier plan qui favorise le casseur. Brice de Nice qui « double casse » et même « triple casse » a drainé des foules de jeunes dans les salles obscures. C’est un navet certes mais c’est à l’image de cette nouvelle culture de la casse. En politique, qui ne se souvient des grands coups de casse à la Brice de Nice ? « Vous n’avez pas le monopole du cœur » de Giscard à Mitterrand (qui le lui rendra le coup d’après…), « si vous m’interrompez un peu comme le roquet » de Chirac à Fabius, « Tu ne seras jamais président, François, t’es trop minable ». Voilà ce qu’on retient, voilà ce qui paye, voilà ce qui marque les esprits faibles toujours en quête du plus fort, du caïd qui casse sans pitié. ça y est, au fait, ils l’ont trouvé ! En la personne de Sarkozy, ils peuvent se déclarer comblés. Sarko casse le PS, les journalistes, les leaders européens et même les visiteurs du salon de l’agriculture.
Nous vivons dans le tout-à-la-casse. Tout est jetable après usage. Par ailleurs, une sorte de droit à la casse est reconnu aux riches, aux patrons, aux élites de l’UMP. Alors, par souci d’équité, pourquoi les jeunes des banlieues devraient-ils s’en trouvés privés ? N’y aurait-il que les écolos comme Bové qui auraient droit de casser ? Toute autre forme de casse serait-elle parfaitement illégitime ? C’est discutable quand on sait que le besoin de casser habite tout être humain. La chanson de Sardou « les villes de grande solitude » le disait déjà mais concluait par « c’est vrai que je ne casse rien ». Balavoine le redisait avec son « quand on arrive en ville » : « qu’est-ce qu’on va faire ce soir ? On va peut-être tout casser ». Casser serait humain voire légitime : « J’vais tout casser si vous m’prenez le fruit de mes entrailles » (« Mon fils, ma bataille). Rien de mieux que la chanson populaire pour prendre le pouls de la situation. Sarkozy le sait aussi…
Mais comment, moi, Voris Bian, pourrais-je ne pas citer Boris Vian qui disait « Ils cassent le monde en petits morceaux ». Aujourd’hui, le casseur légitime est celui que l’on a cassé et qui rend justice à sa manière. C’est un retour des choses. C’est aussi la leçon que donnait Mordillat dans son téléfilm « Les vivants et le morts » dont la diffusion s’est achevée hier soir sur France 2.
Casser les gens, casser leur avenir, casser leurs espoirs et leur dernières illusions, c’est s’attendre à un retour de casse. Chirac avait posé le diagnostic : qu’est-ce que la « fracture sociale » sinon une immense casse ? Mais qu’a-t-on réparé depuis ? Rien ! Au contraire…Les vieux : à la casse ! Les jeunes : à la casse ! Les pauvres : à la casse ! Les fonctionnaires : à la casse (on privatise, on supprime des postes selon la méthode aveugle des quotas) !
Alors casseurs et casseuses (les vrais, ils se reconnaîtront, ceux qui ont cassé l’ascenseur social), cessez donc de casser ! Il faut mettre fin à la prime à la casse sinon cela va nous coûter très cher…Le temps est venu de réparer, de soigner notre société, et de punir les casseurs, d’où qu’ils viennent et pas seulement les petits sur lesquels s’acharnent les médias si complaisants envers le pouvoir.