Enfance fichée, avenir fichu

Le fichier « Base Elèves » va attribuer à chaque enfant un Identifiant National Elève, véritable matricule qui le suivra pendant 35 ans. Le Comité des droits de l’enfant de l’ONU s’en inquiète ouvertement sans pouvoir intervenir dans la politique française emportée dans un élan fiévreux nationaliste et sécuritaire . Encore a-t-on échappé au pire en obtenant, par pressions fortes, le retrait des indicateurs sur la nationalité, l’année d’arrivée en France, l’enseignement de la langue et la culture d’origine, etc. 

Dans un contexte de stigmatisation extrême que les propos de la ministre Nadine Morano viennent renforcer, les manoeuvres de fichage systématique auraient bien du mal à plaider l’innocence. Cette obsession du fichage est par ailleurs partagée par le chef de l’Etat qui croit en l’héritage génétique des vices (pédophilie par exemple) et des vertus (son fil prodige qui mérite les plus hauts postes). Mais les soupçons de dangereuse dérive sont confirmés par l’ONU dont le Comité des droits de l’enfant, interrogé sur « Base Elèves » (le fichier des enfants scolarisés) se dit « préoccupé par le fait que cette base de données puisse être utilisée à d’autres fins, telles que la détection de la délinquance et des enfants migrants en situation irrégulière”.

De quoi se mêle ce comité diront les exaltés du tout sécuritaire et de l’Identité nationale ? Et bien il est officiellement chargé d’une mission de contrôle du respect de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant signée en 1989 par près de 200 pays. Comment le virer, le limoger ou le museler, renchériront les sarkozistes fanatiques ? Il n’existe aucun moyen. Mais le silence médiatique sur le sujet est bien commode. Donc, qu’ils se rassurent, la « France d’Après » va bon train.

Le but officiel poursuivi par l’application informatique “Base élèves 1er degré” est la gestion administrative et pédagogique des élèves de la maternelle au CM2 dans les écoles publiques ou privées“. Mais d’emblée, c’est la chasse aux immigrés qui apparut comme principale visée puisque les éléments exigés étaient la nationalité, l’année d’arrivée en France, l’enseignement de la langue et la culture d’origine, etc. Pour ce qui auraient des doutes, rappelons qu’en 2004, l’Inspection d’académie des Pyrénées-Orientales a reconnu que « Base Elèves » était « la plus grande source d’information sur l’immigration« . Mais le ministre Xavier Darcos dut reculer sous la pression d’un Collectif national de résistance à Base élèves et retirer ces indicateurs stigmatisants et dangereux. 

L’école se voit chargée d’un rôle qui n’a rien d’éducatif : constituer un fichier national de la jeunesse ! Un sale boulot en somme. D’où un résistance de nombreux parents d’élèves et de directeurs d’écoles.

Cette initiative contestable survient au même moment où le poste de Défenseur des enfants est supprimé. Or, cette fonction s’était révélée très efficace et utile.

Elle vient se combiner aussi avec le double fichage systématique des mineurs délinquants :

– Le Fichier relatif à la prévention des atteintes à la sécurité publique : pour les mineurs âgés de 13 ans et plus et dont l’activité individuelle ou collective indique qu’ils peuvent porter atteinte à la sécurité publique. Sont visées les actions de violences collectives, en particulier en milieu urbain ou à l’occasion de manifestations sportives.

– Le Fichier relatif aux enquêtes administratives : pour les mineurs de 16 ans et plus ayant fait l’objet d’une enquête administrative liée à la sécurité publique.

Ces deux fichiers remplacent les fichiers « EDVIGE » et « EDVIRSP » que le gouvernement a dû abandonner.

La Base Elèves, elle, concerne tous les enfants, qu’ils soient sages ou pas. Et le danger est général et d’autant plus grand qu’aucun contrôle ne garantit le bon usage des données récoltées ni leur destruction ultérieure. La CNIL ne joue plus aucune rôle de surveillance et la sécurisation des données ignore complètement le respect des dispositions légales.

Les données collectées dans Base Elèves alimentent le traitement Base Nationale des Identifiants Elèves (BNIE) avec conservation de l’état civil de l’élève et son parcours scolaire pendant 35 ans contrairement à ce qui a été déclaré à la CNIL lors de la création de Base élèves.

Enfance fichée, avenir fichu !