Ou quand les « aliments » alimentent une polémique. C’est Libération qui révèle le pot-au-rose. Dans un article en forme d’alerte « RSA : taxez plutôt vos parents ! », il dénonce l’action sournoise du gouvernement qui, sous couvert d’une soi-disant « harmonisation » des règles entre départements, a glissé une formule dans le texte du formulaire qui oblige tout demandeur a demandé des « aliments » à ses parents avant de pouvoir prétendre au RSA. Les « aliments » désignent dans le code civil les sommes d’argent dues au titre de la solidarité familiale en ligne directe (entre ascendants et descendants quel que soit le degré mais pas entre collatéraux : frères, soeurs…).
A y regarder de près, il ne fait aucun doute que le gouvernement a essayé de faire passer en force une obligation qui va au-delà de ce qu’exigeait le RMI et la jurisprudence.
Rappel des règles de l’obligation alimentaire pour le RMI :
Il y a obligation de mettre en oeuvre (sauf dispense exceptionnelle accordée) la créance liée à la pension alimentaire due par l’autre parent (pour les enfants mineurs) ou due par le conjoint pour le demandeur (en l’absence d’enfant à charge)
Les autres pensions alimentaires ne sont prises en compte dans le calcul des ressources et du RMI que si elles sont déjà accordées par une décision de la justice.
Ces dispositions sont édictées de longue date dans le code civil aux articles 203, 205 à 207 et 367. L’article de référence est l’article 205 du Code civil qui énonce « Les enfants doivent des aliments à leurs père et mère ou autres ascendants qui sont dans le besoin. » Le code précise que cette obligation est réciproque : elle fonctionne de haut en bas et de bas en haut.
Rappel des règles de l’obligation alimentaire pour le RSA :
Le législateur a repris les mêmes règles que pour le RMI.
Le RSA est, comme le RMI, une aide sociale et revêt donc un caractère subsidiaire aux autres revenus. Il s’en suit que le demandeur doit d’abord faire valoir ses droits aux prestations familiales, pensions alimentaires entre époux et celles dues aux enfants (y compris pour ceux dont la filiation paternelle n’est pas légalement établie).
A noter, que ce principe ne s’applique qu’à la seule part du RSA correspondant à la garantie de revenu minimal calculé en fonction de la composition du foyer et pas au supplément du RSA calculé sur une fraction des ressources professionnelles.
Libération dénonce la manoeuvre malhonnête du gouvernement
On dit souvent que la presse quotidienne ne joue pas son rôle et se montre trop complaisante envers le pouvoir. Mais ici, c’est avec une page entière qui ne peut pas passer inaperçue et un titre -choc « Revenu de solidarité active : taxez plutôt vos parents », que le quotidien Libération du 16 juin réveille l’opinion publique. Sans quoi, la traîtrise du gouvernement passait comme une lettre à la poste. De quoi s’agit-il ?
Le quotidien rapporte des témoignages de demandeurs confrontés à une rubrique du formulaire de demande du RSA invitant à mettre en œuvre l’obligation alimentaire.
Le quotidien démonte la formulation insidieuse et même illégale du formulaire de demande de RSA. Dans la rubrique concernant le cas du demandeur conjoint séparé (sans enfant) ou parent séparé et qui ne perçoit pas de pension alimentaire, le formulaire explique que « vous devez engager une action envers le(s) parent(s) pour obtenir la fixation ou le versement d’une pension alimentaire pour chaque enfant concerné » Cela revient à imposer la mise en oeuvre normale de l’obligation alimentaire pour le RSA pour toute demande !
La formulation est tout aussi insidieuse pour le cas du demandeur célibataire et vivant seul, qui ne perçoit pas de pension alimentaire : « Vous êtes susceptible d’engager une action envers vos parents pour obtenir une pension alimentaire » (d’où le titre de l’article). Par « susceptible », comment un demandeur ne va-t-il pas comprendre qu’il y a fortement intérêt sous peine de non prise en compte de sa demande ? Notons au passage que le législateur use d’un français toujours peu académique, « susceptible » s’employant à la forme passive et pas à la forme active. Mais bon, quand on est mauvais, autant l’être en tous points !
Il parait que le haut-commissaire aux Solidarités actives contre la pauvreté va rappeler aux acteurs locaux qu’il n’y a aucune différence en la matière entre le RSA et le RMI et « le formulaire sera modifié sur ce point pour éviter les troubles inutiles ». En attendant, il y a un gros risque que certains conseils généraux l’appliquent à la lettre, ce qui va nuire à la prétendue « harmonisation » des pratiques dont le gouvernement se targue d’être le défenseur. Et comme le gros bataillon des demandeurs sera traité ces mois-ci, on imagine les conséquences…
Une lamentable affaire de plus dans un dossier où, souvenons-nous, les bénéficiaires du bouclier fiscal ont été totalement exemptés de tout devoir de solidarité nationale. Faute de solidarité des riches, c’est aux parents des pauvres qu’on s’attaque !
Mais bon, ce pouvoir a été élu de manière démocratique et vient de recevoir un encouragement très fort aux élections européennes. Il faut donc s’attendre à bien d’autres remises en cause des droits sociaux…