Il y a tout d’abord en France une opposition gauche-droite ancienne et tenace qui cristallise cette politisation extrême de la société. Il y aussi, depuis Sarkozy, une récupération opportuniste des faits divers, des références historiques et même des thèses scientifiques d’un soir, le tout servant d’eau au moulin du président, qui est aussi chef de l’UMP. La conjugaison de ces conduites politiques nuit à la démocratie et à la place que devrait prendre le Citoyen dans la vie de la Cité.
Trop de politique nuit à la démocratie. La société ressent un besoin avant de respirer, librement ! Trop la gaver de politique, trop la prendre à partie et la déchirer pour un oui ou pour un non, ne lui permet pas de vivre à sa guise ni de cheminer à son rythme, spontanément vers une démarche citoyenne. Partant de ce constat, le Mouvement Démocrate trace une troisième voie, une voie qui entend résister à la dictature de la modernité et à la dictature de la majorité, une voie aussi qui entend replacer le citoyen au centre du système et de la vie politique. Mais rien n’est gagné d’avance…
En premier lieu, on ne peut nier qu’un grand pas a été franchi avec la création de ce nouveau parti, indépendant des autres courants politiques et qui a opéré une purge sévère par un virage à gauche lui permettant de trouver son point d’équilibre au véritable centre et non plus comme parti à la remorque du RPR ou de l’UMP. Cette grande lessive a permis le renouvellement des élites pour les élections locales mais aussi pour les européennes à venir. Mais quand on dit « grande lessive », ce n’est pas exact : ce sont des élus qui ont quitté le navire citoyen fraîchement baptisé pour se rallier au parti dominant. Tout comme des socialistes l’ont fait. C’est là une démarche déplorable et dépassée que les citoyens désireux d’un renouveau dans la manière de faire de la politique, rejettent sans compromissions. On peut dire que le MoDem est fortement et largement animé par ce désir de renouveau. Mais on ne doit pas se cacher non plus que le MoDem est aussi un parti et que tout parti a pour premier objectif – vital – de remporter des élections et de gagner des sièges. Il en résulte forcément des manoeuvres politiques et des mises en avant de personnalités plus conformes au jeu politique traditionnel, aux pronostics tirés des probabilités de remporter des sièges ou de faire les meilleurs scores ici ou là. Les échéances succédant aux échéances, le parti, bien qu’épris de démocratie, de débats et d’échanges, est obligé de se plier comme les autres à certaines règles sous peine de mourir toute simplement. Le rythme dément imposé par Sarkozy l’oblige aussi à faire sans cesse des déclarations publiques en opposition à la politique du gouvernement, ce qui induit une tactique de critique permanente plus que de construction de solutions alternatives, et une grande réactivité peu propice au débat exigeant en termes de temps et d’organisation.
En second lieu, le Mouvement Démocrate est dans une période d’assise de son « idéologie » qu’est l’humanisme. Si la première étape, sa création et le vote de ses statuts, a été propice à l’émergence du Citoyen (bien plus que dans les autres partis, il suffit de comparer), la seconde phase, celle qui consiste dans la construction d’une base doctrinale, d’un socle de valeurs premières – l’humanisme donc – semble moins donner place au Citoyen.
La première phase que nous appellerons « phase de genèse du mouvement » été citoyenne : elle a fait se mobiliser un très grand nombre de personnes qui s’engageaient là pour la première fois en politique, bien que n’étant pas forcément toutes jeunes. Un taux record d’adhésions a été relevé, un bon signe de vigueur de la démocratie. On peut parler de montée en puissance de la société civile. Il est ausi indéniable que de nombreux élus étaient de parfaits inconnus auparavant. Il y a bien eu renouvellement des élites.
La seconde phase, celle que vit actuellement le Mouvement Démocrate, est tournée vers l’élaboration d’un socle bien cimenté de valeurs qui serviront de bases de lancement aux idées des futurs programmes. On le voit déjà avec la préparation de la campagne des Européennes. Dans cette phase, qui n’est plus consacrée au recrutement et aux statuts internes mais aux choix des lignes de pensée, l’humanisme est très souvent mis en avant et le Citoyen un peu oublié.
L’humanisme, c’est quoi ? Certains sceptiques s’écrient : « L’humanisme, cela ne veut rien dire ! Tout le monde peut se dire humaniste ». Ils n’ont pas tort sur le fond. Néanmoins, il faut bien comprendre que le terme prend ici un sens politique. Ce qu’il faut entendre par « humanisme » du MoDem, c’est un marquage sur le plan des idées différent des deux grandes doctrines : celle qui repose d’abord sur l’Etat et celle qui croit avant tout à l’argent. Le MoDem positionne son humanisme politique en-dehors de ces deux voies et veut placer l’Humain au centre des valeurs et des réformes. Ensuite, c’est aussi une forme d’opposition claire à la politique de Sarkozy. Le sarkozisme, c’est « les copains d’abord », le MoDem, c’est « l’humain d’abord ».
Voilà très grossièrement dépeint l’humanisme démocrate qui est, répétons-le, une variante politique de l’humanisme, un positionnement sur l’échiquer. Ce qui signifie que le Mouvement Démocrate ne se prétend pas détenteur universel et exclusif de tout l’humanisme hérité des siècles de civilisations ! Le centrisme ainsi rénové se veut au contraire humble et admet qu’il y a aussi du bon à gauche comme à droite comme dans les différentes civilisations. Ainsi, il ne souscrit pas au discours de Dakar ni au discours de Latran qui s’appuient sur le postulat de l’infériorité d’êtres humains par rapport à d’autres : les dominants ! L’homme africain n’est pas inférieur à l’homme occidental ; le laïc n’est pas inférieur au croyant catholique.
Sur le plan politique, le MoDem aspire à travailler avec ce qu’il y a de meilleur, d’honnête et de volontaire des deux côtés. Car cette guerre droite-gauche n’a que trop duré et sape la démocratie qui doit accéder aujourd’hui à un stade plus élevé de maturité. Cet affrontement de tous les instants et à propos de tout est une excellente stratégie de racolage des électeurs mais c’est une piètre et même dangereuse méthode de gouvernement. Elle rend le pouvoir autiste et fermé au dialogue : le camp élu se croit détenteur de toute vérité et s’emploie quasi exclusivement à faire sa propagande et à étouffer la voix de l’opposition. Toute cette énergie dépensée n’est pas investie dans le travail de gouvernement ni dans la voie du progrès.
Mais alors, le Citoyen ? Il semble momentanément mis en parenthèse. au MoDem. Je citerai à titre d’exemple les propos de Sylvie Goulard, tête de liste du MoDem pour les européennes, interrogée par les Jeunes démocrates du Finistère sur les moyens d’impliquer davantage le citoyen dans l’Europe) « Je ne connais pas ’le citoyen’. Je connais des êtres humains, hommes ou femmes, tous différents. Et c’est cette diversité humaine qui est le charme de l’Europe. C’est en rencontrant d’autres personnes, en faisant des échanges, du commerce, des voyages que chacun peut « faire l’Europe ». Cessons de croire que l’Europe doit nous dire comment nous impliquer. Impliquons-nous, chacun là où nous sommes. »
Et voilà comment on escamote – du moins provisoirement – le Citoyen au profit de l’humain. Rien n’est gagné donc mais rien n’est perdu, loin de là ! Souvenons-nous du projet de réforme de VIème République. Ce projet révolutionnaire comportait plusieurs propositions qui visaient à renforcer la place du Citoyen dans la gestion des affaires du pays : non cumul des mandats (réduire le carriérisme en politique et ouvrir aux citoyens), développement du référendum, mode de scrutin parlementaire comportant une bonne part de proportionnelle (pour rompre la logique des deux blocs et favoriser la diversité d’opinions aux chambres), etc. Ce projet n’est pas passé puisque que c’est Sarkozy qui a été élu et qu’il a préféré imposer sa réformette qui ne fait rien avancer du tout, ou presque dans l’idée d’une place plus grande pour le Citoyen (on notera cependant l’élargissement de la base de saisine du Conseil constitutionnel).
« Trop de politique nuit à la démocratie », il faudra répéter ce message de temps en temps au MoDem pour qu’il ne s’installe pas, par commodité, par conformisme, dans un mode de fonctionnement traditionnel, de type « UMPS ». Pour qu’il n’oublie pas le Citoyen. S’il l’oublie, le Citoyen saura bien se rappeler à lui…