Jamais je n’ai cru à la thèse de la trahison de Mirabeau que la gauche jacobine véhicule depuis la Révolution. Cet homme qui lutta avant tout le monde et jusqu’à son dernier souffle contre l’infâme absolutisme des Bourbons, qui mit sa vie en péril dans ce combat, figure au panthéon de mes révolutionnaires préférés. Même si l’Histoire se souvient qu’il défendait le projet de monarchie constitutionnelle. Aujourd’hui, on vient de retrouver le testament politique de Louis XVI qui révélerait que le roi était favorable à la mise en oeuvre des thèses de Mirabeau. Le Peuple aurait-il commis une faute historique grave en coupant la tête du roi ?
L’homme qui défia le roi au mépris de sa propre vie, qui sera condamné à mort par contumace, extradé et emprisonné au donjon de Vincennes durant trois années, celui qui tint fièrement la place de l’assemblée nationale aux mots de « Allez dire à ceux qui vous envoient que nous sommes ici par la volonté du peuple et que nous n’en sortirons que par la force des baïonnettes. », cet homme-là, si déterminé dans ses idées, aurait-il pu opérer un revirement brutal et capricieux au seul service de la monarchie ? C’est la thèse portée depuis longtemps par les historiens de gauche dont certains préfèrent se référer à Marat, Desmoulins, Robespierre ou Danton. Ils oublient facilement que le mot « terrorisme » vient de la période de la Terreur qu’ont imposée à la France ces gens-là et quelques autres ! Pas de quoi en être si fier. Ils négligent le fait que si Mirabeau avait réussi à faire passer son projet de monarchie constitutionnelle, des millions de vies auraient été épargnées durant la Terreur, l’Empire et les révoltes (dont la chouannerie, cette boucherie fratricide).
Donc, oui, j’aurais pris parti pour Mirabeau durant la Révolution. Mais pourquoi, me direz-vous, parlez soudainement de Mirabeau. Et bien parce que Le Figaro titre un de ses articles « Le testament politique de Louis XVI retrouvé« . Avant de fuir en juin 1791, le roi de France avait rédigé un texte pour se justifier. Le manuscrit, qui avait disparu, a été découvert aux États-Unis. Sur la dernière page du manuscrit, on peut lire ces mots de Louis XVI : « Français, et vous surtout Parisiens, vous habitants d’une ville que les ancêtres de Sa Majesté se plaisaient à appeler la bonne ville de Paris, méfiez-vous des suggestions et des mensonges de vos faux amis, revenez à votre Roi, il sera toujours votre père, votre meilleur ami. Quel plaisir n’aura-t-il pas d’oublier toutes ses injures personnelles, et de se revoir au milieu de vous lorsqu’une Constitution qu’il aura acceptée librement fera que notre sainte religion sera respectée, que le gouvernement sera établi sur un pied stable et utile par son action, que les biens et l’état de chacun ne seront plus troublés, que les lois ne seront plus enfreintes impunément, et qu’enfin la liberté sera posée sur des bases fermes et inébranlables. A Paris, le 20 juin 1791, Louis. » (DR)
D’où il ressort, selon le grand quotidien, que Louis XVI aurait été victime d’une bavure populaire puisque, s’enfuyant par Varennes, il ne cherchait que le bien du peuple. Le roi aurait fait son autocritique et gagné la cause de la révolution juridique de l’été 1789, acceptant l’abolition des ordres et le principe d’égalité civile des citoyens.
La couleuvre me paraît toutefois dure à avaler, au moins autant que la thèse de la trahison éhontée de Mirabeau des historiens radicaux. En effet, Louis XVI aurait écrit ce texte dans le secret le plus absolu (pardon pour ce jeu de mot !), en cachette de tous ses ministres, pendant plusieurs mois ! Puis le document aurait disparu jusqu’à aujourd’hui où précisément le régime sarkoziste aimerait bien réconcilier la France avec le pouvoir personnel. Avec l’aide du Figaro qui voudrait effacer le crime de la fuite à Varennes, fuite qui opéra un basculement de la Révolution dans la violence la plus noire, le Peuple ayant été trompé par son roi. Après quoi, « le prestige de la monarchie sera pour jamais terni par cette équipée malheureuse« , semble déplorer Le Figaro qui reprend les propos de Jean-Christian Petitfils : « Jamais Louis XVI n’avait été aussi proche de la Révolution qu’en fuyant la capitale. Sur la route de Varennes, il était devenu un souverain constitutionnel, à la recherche, hélas, d’une impossible Constitution. »
Louis XVI devenu subitement « souverain constitutionnel » alors que tous les efforts de Mirabeau, très bien perçu par la famille royale, n’auront jamais abouti ! Je n’y crois pas. Et je préfère me référer à la pensée et à l’action de Mirabeau, ce révolutionnaire authentique et, quoi qu’en disent ses détracteurs, intransigeant ! Mirabeau n’a-t-il pas eu à subir l’absolutisme de son propre père qui lui infligea des violences ? N’a-t-il pas écrit un « Essai sur les lettres de cachet et sur les prisons d’État » alors qu’il était en détention ? (1780). N’a-t-il pas bravé l’interdiction de publier des comptes rendus des séances des États généraux le 7 mai 1789 ? N’a-t-il pas défendu bec et ongles la liberté de la presse avec la publication de son Courrier de Provence ?
Mirabeau est l’architecte de la Révolution avec Sièyès et surtout de ce qui durera : la théorie de la souveraineté nationale (face à la théorie de droit divin de l’absolutisme), la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, et l’Assemblée Nationale !
Il n’a jamais failli dans ses idées (non sans quelques erreurs parfois : ainsi la défense du droit de veto absolu du roi). Il s’est battu sans trembler pour sa conception d’une monarchie constitutionnelle. Il n’y a pas de quoi en rougir et cette solution eut permis d’éviter bien des bains de sang. Et c’est cela que ne lui ont pas pardonné les ultras, les bouchers de la Révolution qui, peut-être, sont allés jusqu’à empoisonner cet encombrant rival, ce génie des institutions, qui aurait pu permettre à notre pays de s’en sortir « par le haut » comme on dit de nos jours en établissant pacifiquement un régime modéré et démocratique.
Saisissant le prétexte de la découverte signalée par son quotidien servile – Le Figaro – le Pouvoir ne cherche-t-il pas à effacer la félonie du traître Louis XVI et à le réhabiliter aux yeux du Peuple ? On n’est dans la manipulation de l’Histoire…
Aujourd’hui les citoyens ont abdiqué leur représentation à l’Assemblée nationale. Ils ont laissé l’Assemblée aux mains du pouvoir personnel qui la tient sous son joug. L’Exécutif, c’est son nom, exécute la démocratie !
N’est -il pas temps de reprendre l’Assemblée nationale, notre assemblée nationale, où le comte de Mirabeau dit ces jolis mots : « C’est aujourd’hui que je bénis la liberté de ce qu’elle mûrit de si beaux fruits dans l’Assemblée nationale. »
N’est-il pas temps de nous écrier à nouveau : « Allez dire à ceux qui vous envoient que nous sommes ici par la volonté du peuple et que nous n’en sortirons que par la force des baïonnettes. »
Mirabeau, nous voici !
merci génial
Geneviève poirier coutansais