Face à une justice « sourde » et « aveugle » selon les termes de Denis Seznec à l’annonce du rejet de la demande de révision du procès de son grand-père, il n’est pas dit que la vox populi resterait muette. Robert Hossein a réussi son pari de la faire parler mardi 21 avril 2010 sur France 2. Le résultat est édifiant et marque, dans cette affaire, un divorce entre les Français et leur justice censée s’exprimer « au nom du Peuple français » mais sur laquelle ils n’ont aucune prise, qui leur échappe, qui statue dans sa bulle.
Robert Hossein invitait les téléspectateurs à assister au procès de Guillaume Seznec, comme jurés et à prononcer la sentence.
Le procès se tenait comme à Quimper en octobre 1924. A la fin du procès, Maître Lombard, par écran interposé, intervint (mais sans influence sur les votes déjà clos) pour déclarer que dans ce procès la principale victime fut la loi.
La loi fut bafouée sur trois aspects : l’impartialité d’abord. Sur ce point l’enquête n’a été menée qu’à charge de l’accusé, écartant toutes les pistes qui auraient pu apporter des éléments en sa faveur, discréditant même les rares témoins qui s’étaient montrés assez tenaces pour passer les barrages et les pressions exercés sur eux.
Le doute qui, aussi infime soit-il, doit toujours, en droit français, profiter à l’accusé, et n’a pas effleuré la cour.
Enfin, le principe de présomption d’innocence a été purement et simplement foulé au pied. Ce fut à la défense de s’échiner à apporter les preuves que l’accusé n’avait pas commis le crime supposé du conseiller général Quéméneur. Pour arranger le tout, un avocat novice en matière d’assises fut chargé de la défense.
Seznec toujours coupable aux yeux d’une justice qui se juge infaillible
Il n’y aura pas de réhabilitation de Guillaume Seznec. La justice s’y est refusé en 2006.
Le 14 décembre 2006, la Cour de révision de la Cour de cassation a rejeté le recours en révision déposé par le Garde des Sceaux en personne, et appuyé par l’avocat général convaincu, pour sa part, de l’innocence de l’intéressé.
Au terme d’un long arrêt, la Cour de cassation, déclare qu’’Il n’existe aucun fait nouveau ou élément inconnu de la juridiction au jour du procès de nature à faire naître un doute sur la culpabilité de Guillaume Seznec. »
Il est vrai qu’une révision n’est pas comme un appel. C’est une procédure extraordinaire assez récente (issue d’une loi de 1989) destinée à ouvrir une possibilité de révision pour les cas où viennent à se produire ou à se révéler un fait nouveau ou un élément inconnu de la juridiction au jour du procès, de nature à faire naître un doute sur la culpabilité du condamné.
L’ennui évidemment ici, c’est qu’il n’y a pas véritablement d’éléments nouveaux ni inconnus de la cour lors du procès mais des éléments délibérément ignorés et écartés par cette cour. Par ailleurs, si le « doute sur la culpabilité du condamné » existe bien depuis l’origine du procès, cette condition semble être interprétée comme l’exigence d’un doute supplémentaire au doute rejeté par la cour de l’époque, interprétation évidemment abusive de la loi.
Le doute a gagné l’opinion publique
Le doute, déjà présent au départ, n’a fait que s’amplifier par la suite et il a même pris une tournure particulière et de façon rétroactive lorsque l’Histoire jugea l’inspecteur Pierre Bonny, l’inspecteur stagiaire chargé de l’enquête, révoqué de la police en juin 1935 puis condamné à mort et fusillé à la Libération en raison de son rôle au sein d’une organisation supplétive de la Gestapo.
Avant de mourir, il eut la délicatesse de déclarer à son fils : « Brouiller les pistes, c’est facile… Maquiller les preuves, c’est enfantin ». Il déclara même que Seznec était innocent et que celui-ci était au bagne depuis plus de vingt ans par sa faute.
Mais aucun argument ne porte pour la cour de révision qui poursuit l’impitoyable procès. On tourne en rond et surtout, hélas, la cour de révision perpétue la logique du premier procès : c’est à l’accusé (à ses descendants) de prouver son innocence. Il est clair que la justice ne souhaite pas voir s’appliquer la loi de 1989 et fait tout pour éviter de créer un précédent qui serait pour elle une brèche faisant douter de son infaillibilité. Le dogme de la chose jugée ne doit pas être touché ! C’est navrant mais c’est ainsi.
Ainsi la justice fait bloc. Même maître Eolas, si prompt à émettre des critiques sur son blog quand cela peut servir sa notoriété, n’a plus l’ombre d’un doute quand il s’agit de l’affaire Seznec : la justice a été bien rendue et elle ne doit pas être contestée. Point final et circulez !
La vox populi n’est plus dupe et a décidé de réhabiliter Guillaume Seznec. Elle a fait oeuvre de justice à la place d’une justice défaillante.
Guillaume Seznec a été déclaré « innocent » par 94 % des téléspectateurs de France 2 et par 93 % du public du théâtre de Paris, qui était appelé lui aussi à voter.
Merci pour ce bel article. C’est dommage que cela ne puisse permettre d’obtenir enfin une révision.
Il serait interressa
oups! la suite…
nt d’avoir le résultat des votes depuis que la pièce a été jouée.
Pour avoir assister a la première le résultat était déjà l’innocence…
Luc