Le droit d’auteur est souvent confondu avec le copyright voire avec le droit à l’image ou avec le droit des brevets. Le but de cet article est de faire un point juridique sur la question sans évoquer de front pour le moment les questions d’actualité liées à la remise en cause du droit d’auteur par l’essor des nouvelles technologies ni la répression par le législateur français de usages à ses yeux abusifs . Rappelons tout d’abord que la législation du copyright est centrée sur l’œuvre, celle du droit d’auteur sur l’auteur.
Introduction – Un peu d’histoire s’impose pour mieux comprendre
(source principale : Wikipedia)
1 ° ) Le copyright :
Dans l’Angleterre de la Renaissance, les intérêts des éditeurs et des auteurs sont, dès le XVIIe siècle, présentés comme solidaires, et les intermédiaires sont considérés comme incontournables. Cela explique l’écart existant dès l’origine entre les fondements philosophiques du copyright et ceux du droit d’auteur continental.
Le copyright est un ensemble de lois en application, notamment, dans les pays du Commonwealth des Nations et aux États-Unis, et qui diffère du droit d’auteur appliqué dans les pays de droit civil (tels que la France ou la Belgique).
Bien que les deux corpus de lois tendent à se rejoindre sur la forme grâce à l’harmonisation internationale opérée par la convention de Berne, ils différent notablement sur le fond. Le copyright relève plus d’une logique économique et accorde un droit moral restreint, là où le droit d’auteur assure un droit moral fort en s’appuyant sur le lien entre l’auteur et son œuvre. Le copyright protège davantage l’investissement que le caractère créatif. Autre différence : le copyright exige la fixation matérielle des œuvres.
Au sein de l’Union européenne, la majorité des vingt-sept États-Membres applique le droit d’auteur. Seuls Chypre, l’Irlande, Malte et le Royaume-Uni font application du copyright.
2 ° ) L’origine du droit d’auteur :
En 1777, Beaumarchais fonde la première société d’auteurs pour promouvoir la reconnaissance de droits au profit des auteurs.
Au cours du XIXe siècle, les tribunaux et les juristes, notamment français et allemands, établissent les grands principes de la propriété littéraire et artistique. La formule « droit d’auteur » est pour la première fois utilisée par Augustin-Charles Renouard. Elle donne une position centrale à l’auteur, par opposition au copyright anglo-saxon qui a pour objet la protection de l’œuvre elle-même. En 1886, une harmonisation partielle du droit d’auteur est opérée par la Convention de Berne, signée par 10 états (Allemagne, Belgique, Espagne, France, Grande-Bretagne, Italie, Luxembourg, Principauté de Monaco, Suisse et Tunisie). En 2009, elle totalise 164 États signataires.
Aucune formalité d’enregistrement ou fixation matérielle de l’œuvre n’est nécessaire pour bénéficier du droit d’auteur. Dans la plupart des pays, il n’est donc pas nécessaire d’inscrire la mention « tous droits réservés », ni le symbole © qui ne servent qu’à indiquer que l’œuvre est protégée par le droit d’auteur, et non à conférer la protection juridique. Un des principes essentiels du droit d’auteur est que la propriété de l’œuvre est indépendante de la propriété de son support. Sauf en cas de cession des droits d’auteur à son profit, le propriétaire du support n’est jamais propriétaire de l’œuvre.
Dans la plupart des pays, les programmes informatiques, ainsi que l’ensemble des travaux préparatoires de conception aboutissant à leur développement, sont protégés par le droit d’auteur. Au contraire, les appareils qui utilisent ces programmes ou les inventions liées aux programmes peuvent être protégés par un brevet d’invention.
Le développement de l’accès aux NTIC s’accompagne d’un fort mouvement de remise en question de la légitimité du droit d’auteur.
Le droit d’auteur
La protection par le droit d’auteur ne doit pas être confondue avec d’autres systèmes de protection qui ont un autre objet et relèvent d’un autre régime de droit :
– les droits de propriété industrielle (droit des brevets, des marques, des appellations d’origine…),
– le droit de la concurrence déloyale,
– les droits de la personnalité (droit au respect de la vie privée, droit à l’image – voir partie II – etc.).
Ces différents modes de protection peuvent s’exercer cumulativement à la protection du droit d’auteur.
1 ° ) L’originalité de l’œuvre
Toute création n’est pas une œuvre au sens juridique. Il faut un caractère d’originalité :
L’originalité est un concept distinct de celui de nouveauté, utilisé en droit des brevets. L’originalité s’entend comme le reflet de la personnalité de l’auteur qui marque ainsi l’œuvre de son empreinte par un effort créatif. La simple nouveauté ou la seule maîtrise technique ou virtuosité ne suffisent pas à faire d’une réalisation ou d’une interprétation une œuvre protégée.
Exemples. Le juge administratif n’a pas considéré qu’un guide de services municipaux présente un caractère suffisamment original pour être protégé par le droit d’auteur. En revanche, la plaquette de présentation d’une exposition créée, publiée et divulguée sous la direction et le nom d’une commune, a été admise comme œuvre et protégée.
2 °) Le périmètre du droit d’auteur
Ce périmètre est très large. Par ailleurs, il s’étend aussi au titre de l’œuvre et à ses œuvres dérivées. Exemples : traductions, adaptations, anthologies…
3 ° ) Les bénéficiaires de la protection
La loi présume que la qualité d’auteur appartient à celui sous le nom duquel l’œuvre est divulguée. Ainsi en est-il pour l’œuvre collective où les contributions se fondent sans qu’il soit possible d’attribuer des droits distincts. L’employeur, le commanditaire ou celui qui a trouvé l’idée, ne sont pas auteur mais il peut y avoir cession des droits par contrat. L’œuvre de collaboration (exemple : chanson) permet au contraire d’attribuer des droits séparés. Ce qui distingue aussi l’œuvre collective de l’œuvre de collaboration, c’est que l’œuvre collective est créée sur l’initiative et sous la direction d’une personne physique ou morale déterminée. Il existe enfin des œuvres composites (ou « dérivées ») qui incorporent une œuvre antérieure (exemple : support multimédia reprenant une musique, peinture inspirée d’un passage de roman). L’autorisation de l’auteur de l’œuvre première est obligatoire si le droit d’auteur est toujours protégé.
4 ° ) Les droits des auteurs
a ) Droit d’auteur des agents publics :
La loi DADVSI de 2006 reconnaît aux agents publics la qualité d’auteur des œuvres qu’ils créent dans le cadre du service. Toutefois, ce droit fait l’objet de dérogations qui en réduisent considérablement la portée.
– L’œuvre de l’esprit créée dans l’exercice de ses fonctions ou d’après les instructions reçues : le droit de propriété est transféré de plein droit à l’administration mais dans les strictes limites de la mission de service public à laquelle l’agent participe. Exemple : dans le cadre d’une mission publique, le photographe n’est pas propriétaire de ses prises de vues. L’agent public recouvre la plénitude de ses droits sur les utilisations ne s’inscrivant pas dans le cadre de cette mission. Exemple : un enseignant peut publier son cours (sa mission de service public n’incluant pas la publication).
– La divulgation : L’agent public est investi de la plénitude de son droit d’auteur sur les œuvres dont la divulgation n’est soumise à aucun contrôle préalable de l’autorité hiérarchique.
b ) Les droits moraux
Les droits moraux confèrent à l’auteur d’une œuvre de l’esprit quatre types de prérogatives : le droit de divulgation, le droit au nom ou à la paternité, le droit au respect de l’œuvre, le droit de repentir. Les droits moraux sont perpétuels, inaliénables et imprescriptibles.
Le droit de divulgation : L’auteur a seul le droit de divulguer son œuvre. L’abandon même de l’œuvre ne lui interdit pas de s’opposer à la divulgation. Il peut renoncer à la divulgation : un photographe peut par exemple refuser de livrer à la collectivité les photographies qu’il la réalisées à sa demande et la collectivité n’a aucune voie de recours. Le droit peut s’exercer au-delà du délai d’expiration des droits commerciaux soit au-delà des 70 ans écoulés après le décès de l’auteur. Un agent public ne peut pas s’opposer à la divulgation de ses créations si l’autorité hiérarchique a décidé d’utiliser lesdites œuvres dans le cadre d’une mission de service public à laquelle participe l’agent.
Le droit au nom : Il a pour conséquence l’obligation pour tout utilisateur de l’œuvre de mentionner l’identité de son auteur. Y compris pour les agents publics. Cette mention n’est pas nécessairement accolée à l’œuvre : elle peut figurer par renvoi dans l’ours de la publication, voire même dans le corps de l’article comportant l’œuvre en illustration. La décision de rester anonyme ou d’user d’un pseudonyme appartient au seul auteur.
Le droit au respect de l’œuvre : c’est le droit à l’intégrité matérielle de l’œuvre mais aussi au respect de l’esprit de l’œuvre (exemple : adaptation d’un roman à l’écran). Dans ce second cas, une certaine liberté est cependant reconnue à l’adaptateur. Le droit au respect de l’œuvre entraîne aussi obligation d’entretien de l’œuvre pour la personne publique qui la détient. La personne publique peut modifier l’œuvre mais dans les seules limites des contraintes esthétiques, techniques et de sécurité publique, légitimés par les nécessités du service public. L’accord de l’auteur n’a pas à être requis. L’agent public, lui, ne peut pas s’opposer à la modification de l’œuvre décidée dans l’intérêt du service public par l’autorité hiérarchique, lorsque cette modification ne porte pas atteinte à son honneur ou à sa réputation.
Le droit de repentir : ce droit permet à l’auteur, malgré la cession de ses droits d’exploitation, de faire cesser l’exploitation de son œuvre ou des droits cédés, à condition d’indemniser préalablement son cocontractant du préjudice ainsi causé. L’agent public ne peut pas exercer son droit de repentir et de retrait, sauf accord de l’autorité hiérarchique.
c ) Les droits patrimoniaux
– le droit d’exploitation : ce droit comprend le droit de représentation et de reproduction. Le consentement de l’auteur doit être requis pour chaque procédé de reproduction et chaque mode de représentation. Le droit d’exploitation d’une œuvre créée par un agent public dans l’exercice de ses fonctions ou d’après les instructions reçues est, dès la création, cédé de plein droit à la collectivité employeur. Toutefois, et sauf cas particuliers, pour l’exploitation commerciale de l’œuvre, la personne publique employeur ne dispose envers l’agent auteur que d’un droit de préférence. Le recours au marché public est obligatoire pour les œuvres à réaliser mais pas pour les œuvres existantes. L’acquisition des œuvres de l’agent doit faire l’objet d’un acte de cession des droits.
Les droits d’exploitations conférés aux auteurs sont limités dans le temps. Selon l’article L. 123-1 du CPI, « L’auteur jouit, sa vie durant, du droit exclusif d’exploiter son œuvre sous quelque forme que ce soit et d’en tirer un profit pécuniaire. Au décès de l’auteur, ce droit persiste au bénéfice de ses ayants droit pendant l’année civile en cours et les soixante-dix années qui suivent ». À l’expiration de ce délai l’œuvre tombe dans le domaine public, si bien que son utilisation est libre sous réserve de respecter les droits moraux de l’auteur (qui, eux, sont perpétuels).
– le droit de suite : ce droit bénéficie exclusivement aux auteurs d’œuvres graphiques ou plastiques et se traduit par un droit inaliénable de participer au produit de la vente de leurs œuvres aux enchères ou par l’intermédiaire d’un commerçant.
A suivre… (la partie 2 sera consacrée au droit à l’image)