«Nous devons nous battre pour ces phares. Ils sont les rêves du futur, les rêves de nos enfants», écrit la chanteuse Nolwenn Leroy qui apporte son soutien à une association dont le but est de rénover le phare de Tévennec (« l’enfer ») – situé face à la Pointe du Raz sur un rocher tout proche de l’île de Sein- pour y installer une résidence pour artistes.
L’association vient de signer une convention avec les services de l’État afin de réaliser des travaux de consolidation. Mais la décision de l’affectation de lieux est suspendue à l’accord à venir d’une commission. En tout cas, la belle Nolwenn a spontanément accepté de soutenir le projet en faisant venir une équipe de télé sur les lieux et de solliciter des investisseurs.
Il y a de quoi faire ! Le phare, laissé à l’abandon, est dans un état pitoyable. Ce site montre des photos de l’intérieur et de l’extérieur.
Voici une vidéo sur le phare maudit de Tévennec.
Le phare de Tévennec fut construit sur un lieu hanté
Le petit îlot au large de Raz a toujours eu la réputation de lieu maudit, ce lieu accueillerait les âmes des bretons avant l’Avalon (paradis celtique). Il est hanté par les âmes errantes des naufragés. Pendant la révolution le navire « Saint Louis » s’échoua sur cette île, quand les secours arrivèrent ils ne trouvèrent aucun corps, tout les naufragés avaient disparu. Le phare de Tévennec a quand même été construit là. Les caboteurs avaient en effet besoin que l’on renforce l’ »éclairage » de la navigation nocturne en cet endroit. Le phare d’Ar Men était déjà en cours de construction (début en 1867). Les travaux ont duré 5 ans, de 1869 à 1874. En pleine mer fut érigée une maison-phare constituée d’une tourelle carrée et d’un corps de logis de 11 mètres de hauteur. A quelques encablures du phare de la Vieille, entre l’île de Sein et la pointe du Van.
La solitude du gardien de phare rend fou
Le phare de Tévennec étant classé par l’administration d’alors comme un phare de quatrième ordre, on n’y installe qu’un seul gardien en poste, qui y reste un semestre entier. La plupart des gardiens de sa maison phare, achevée en 1874, connurent un sort tragique.
Le premier gardien de phare entend des voix lui ordonnent en breton : « Kers cuit, kers cuit… Ama ma ma flag », (« Va-t’en, va-t’en, ici, c’est ma place« ). En septembre 1874, Henry Porsmoguer, le deuxième gardien du phare devient fou. Natif de l’île voisine, Sein, il a participé aux travaux de construction des phares Ar-Men et Tévennec. Le feu est allumé le 15 mars 1875 et Henry Porsmoguer doit se charger seul de son entretien. Il ne peut rentrer auprès de sa famille qu’après de longs mois passés sur l’îlot de Tévennec. Il présente sa démission au bout d’un an. En décembre 1875, le troisième gardien, Jean-Marie Rohou né à Plogoff prend son service. Lui aussi, démissionne dès avril 1876.
On double le poste de gardien en 1876
En 1876, l’administration accepte de prendre en considération l’immense solitude dans laquelle doivent vivre les gardiens. Elle « double » le poste en nommant un second gardien. Guillaume Guézennec, né à Cleden-Cap-Sizun, est nommé à ce nouveau poste, le 1er août 1876. Alain Menou, le second gardien du Tévennec, résiste de 1878 à 1885 puis devient fou. Alerté, le curé de Plogoff bénit le rocher, intimant au diable de s’en aller. Même à deux, les gardiens connaissent des drames. Ainsi, par exemple, le gardien auxiliaire Milliner y meurt sans que l’on puisse lui porter secours… Alexis Kerbiriou se sectionne l’artère fémorale avec son couteau, et se vide de son sang dans les bras de son compagnon qui le veille deux jours et deux nuits jusqu’à la relève.
Cela ne suffit pas, on fait venir les épouses
Cela ne va pas mieux. Les gardiens successifs demandent régulièrement leur nomination à d’autres postes car la vie à Tévennec est trop dure. En 1898, pour résoudre le problème créé par tant de démissions, l’administration propose que les épouses des gardiens vivent à Tévennec. Monsieur et madame Milliner furent les premiers à s’y installer en couple, en janvier 1898. De 1900 à 1905, le couple Quéméré occupe le rocher avec un enfant puis quatre de leurs onze enfants. Une vache et un cochon assurent en partie la subsistance de la famille. Le couple Quéré s’installe en 1905. Le couple Ropartz en 1907. Le gardien Ropartz voit son père happé par une lame. Le couple perd un nouveau-né quand une tornade vint interdire toute communication avec le continent. Le toit de la maison est arraché par un ouragan peu de temps après.
Face aux drames répétés, on installe l’éclairage permanent au gaz
En 35 ans, y seront allés 19 gardiens et 4 gardiennes. Dans la légende, on dit alors que le fanal du Tevennec est un lieu maudit car de nombreux drames s’y sontproduits. Lassée, l’administration décide, en 1910, de transformer le phare en feu permanent à gaz. Une réserve de gaz permettait une autonomie de 6 mois, libérant les gardiens de cette servitude. Ainsi, depuis cette date, aucun gardien n’a été nommé à ce poste tant redouté. Aujourd’hui, le feu du Tévennec est alimenté par l’énergie solaire.
La légende des « kers-cuit »
« Kers cuit, kers cuit… Ama ma ma flag », (« Va-t’en, va-t’en, ici, c’est ma place« ) entendait le premier gardien. Mais l’explication de ces cris lugubres, que l’on prête aux âmes des naufragés ayant trouvé la mort sur l’îlot, est aujourd’hui donnée par la découverte, voici une dizaine d’années par des plongeurs, d’un tunnel traversant le rocher. Par fortes marées, l’air s’en échappe par des failles dans la roche, ce qui peut produire des sons extrêmement étranges et angoissants de type hululements sinistres. Il n’en demeure pas moins que le phare continue de jouir d’une très mauvaise réputation auprès des marins et des habitants du Cap Sizun. On raconte à son propos toutes sortes d’histoires. Par exemple qu’un gardien mort brutalement dans les bras de son épouse aurait été mis au saloir par celle-ci pour conserver son corps jusqu’à la relève suivante.
Extraits d’ouvrage
Extraits d’ouvrage (Jean-Claude Fichou : « Les Phares »)
« Les ouvriers qui y érigèrent un phare étaient terrorisés par des phénomènes étranges, diaboliques. La nuit, des hurlements de terreur, éclats de bagarre, de rires déments dominaient le ressac (…) Parfois des êtres, pâles lueurs, titubaient sur la roche, dressaient des croix pour s’y suspendre ensuite. »
« Le jour, pendant la construction, au-dessus des travailleurs tournoyaient les oiseaux, surpris d’y voir des êtres vivants, eux-mêmes qui ne pouvaient s’y poser, à cause des morts ! Par leurs cris : « Kers-kuit, Va-t’en », ils semblaient prévenir les travailleurs des dangers qui les menaçaient. La nuit, c’était des bruits de gens qui se querellaient, se battaient ; on aurait dit tout bouleversé ; le couvercle de la citerne, surtout, déjeté de côté et d’autre. Des vieillards parcouraient la roche et le bâtiment. Des croix se dressaient et s’abattaient ; des gens s’y suspendaient… »
Lien utile : phare de Tévennec
Ecouter l’album « Le gardien de phare », par Stéphane Bersier. Chansons sur des textes de l’auteur de ce site.