Cette information, donnée par des experts cités par le journal britannique The Guardian, peut choquer mais elle permet surtout de mieux comprendre ce qui se passe actuellement en Egypte.
Entre 40 et 70 milliards d’euros de patrimoine, c’est ce qu’a amassé Moubarak pour lui-même et sa famille. Les détails ici. Je reprends quand même :
Hosni Moubarak : 15 milliards de dollars
Son épouse : 1 milliard
Son fils aîné : 8 milliards
Son second fils : 17 milliards.
On s’est récemment indigné de l’enrichissement personnel de Ben Ali mais il n’était « que » de 5 milliards de dollars (selon le classement du magazine américain Forbes). Même Bill Gates est battu avec « seulement » 54 milliards.
Pour mieux mesurer l’injustice criante de cette situation, Le Figaro rappelle qu’environ 40% de la population vivrait avec moins de trois dollars par jour ! Tout est dit.
Mais on comprend mieux aussi pourquoi l’intérêt de Moubarak est de rétablir l’ordre au plus vite : les intérêts de l’économie égyptienne sont avant tous SES intérêts. J’ajouterai que le rétablissement des choses dans leur ordre antérieur, le retour à la normale est toujours judicieux quand on veut faire croire que tout est resté comme avant et essayer de reprendre sa place. Mais Barack Obama l’a dit : l’Egypte ne reviendra pas en arrière. C’est aussi ce que je pense, à mon modeste point de vue. On n’ira pas à la perfection, sans doute, et cela prendra de longues années avec des erreurs inévitables, mais ce qui compte c’est le mouvement vers la démocratie, l’ouverture, plus d’égalité, plus de liberté.
Partant de là, je suis atterré d’entendre les réactions de nombreux français, y compris sur les blogs ou dans les forums. On entend reprendre la propagande officielle de ceux qui protègent des intérêts privés en Egypte. Leurs arguments sont en vrac : peur des barbus, du chaos, l’équilibre du Moyen-Orient (le risque pour Israël). Tout cela n’est pas faux (comme on dit aussi à propos des discours des extrémistes en France) mais est amplifié, exploité pour défendre un clan de privilégiés dont les argumentateurs ne font pas partie…
A ces argumentateurs qui se montrent si conciliants envers la dictature égyptienne, je poserai ces simples questions :
1 – Seriez-vous favorable à ce que Sarkozy et sa famille empochent sur le dos de notre économie et sur notre dos une fortune plus grande que l’homme le plus riche des Etats-Unis ?
2 – Accepteriez-vous votre président, en place depuis 30 ans, soit président à vie et de façon héréditaire et qu’il supprime toute opposition politique ?
3 – Toléreriez-vous qu’il n’y ait qu’un parti politique, que les médias fassent sa propagande, qu’il réprime la liberté de la presse (voire les journalistes eux-mêmes y compris étrangers) ?
4 – Trouveriez-vous normal qu’il coupe l’accès à Internet quand ça l’arrange ?
5 – Est-il normal que dans un pays des malheureux soient poussés à s’immoler par le feu pour faire entendre la voix du peuple qui souffre ? Qu’après 300 morts violentes (au minimum) par suite de manifestations, vous ne soyez toujours pas entendu ?
Etc. Beaucoup d’autres questions pourraient être formulées mais ces quelques questions-là méritent je pense votre pleine attention. Désolé de vous le dire mais si vous trouvez que tout cela est normal pour le peuple égyptien, c’est que vous êtes raciste… Ou bien seriez-vous seulement en retard sur votre époque comme ceux qui affirmaient au temps du colonialisme finissant que les pays du Maghreb ne devaient pas accéder à leur autonomie ? Mais je pense au vous aurez compris que la France, pays des Droits de l’Homme, ne peut pas cautionner cela. Elle peut certes appeler à la « transition ordonnée » comme le dit Obama mais elle ne peut pas justifier cela. Pourtant elle le justifie par son silence et par le maintien à son poste d’une ministre des Affaires étrangères trempée jusqu’au cou dans les conflits d’intérêts et l’amitié avec le clan d’un dictateur.