Les cotes du chef de l’Etat et du premier ministre sont en chute libre et ce n’est pas seulement la faute de la crise, comme voudrait nous le faire croire le président qui a déclaré, sûr de lui : « Qui ne serait pas impopulaire, alors que le pays traverse une crise exceptionnelle ? » Oui mais voilà, ce n’est pas la crise en elle-même qui a fait descendre les manifestants si nombreux dans la rue et qui les fera redescendre, c’est bien la façon de la traiter. De même que les sondés, à 78%, soutiennent le mouvement de mécontement en Guadeloupe quand Sarkozy a décidé de le mépriser depuis son commencement.
Ces deux exemples montrent un président de plus en plus éloigné de son peuple. Loin d’essayer de reconquérir l’estime de ses compatriotes, le président a décidé d’en tirer la leçon suivante : puisque je n’ai plus que le soutien des électeurs de l’UMP, je vais m’employer désormais à ne choyer que cette partie de la France ! Certes, le président ne s’est jamais positionné réellement comme le président de tous les français mais c’est là franchir un pas – très risqué – de plus vers l’impopularité et, disons-le, l’illégitimité.
Alors, faisant fi de sa popularité et n’essayant même plus d’être hypocrite, Sarkozy se montre en chef de clan, servile envers les puissants et implacable envers les faibles. Il hésite encore moins qu’avant à placer ses amis. Ainsi est tombée la nouvelle de la nomination du secrétaire général adjoint de l’Elysée, François Pérol, à la tête de la banque issue de la fusion entre la Caisse d’Epargne et les Banques Populaires. Cette nomination a été décidée par le chef de l’Etat qui a obtenu l’accord de la commission de déontologie avant même que celle-ci ne statue. Comme il avait obtenu que le président de France Télévision supprime la pub à la télé avant le vote de la loi. Comme, diraient certains, il a obtenu la condamnation de Coupat et de Colonna avant que les juges ne se prononcent. On pourrait multipler les exemples, plus ou moins prouvés.
Toujours est-il que François Bayrou a dénoncé dimanche cette nomination prévue. « Tous les textes, à la fois de déontologie et du code pénal, dit-il, indiquent qu’il est interdit à une personne ayant exercé l’autorité publique sur une entreprise privée, qu’elle soit fonctionnaire ou agent temporaire, d’exercer quelque fonction que ce soit dans cette entreprise avant un délai de trois ans révolus« . « M. Pérol a joué un rôle actif dans le dossier (…) jusqu’à convoquer jeudi dernier les dirigeants des deux entités dans son bureau » à l’Elysée. Il est donc impossible, interdit et illégal« , selon lui, « que cette nomination soit confirmée« . « Au demeurant, cela signifie que Nicolas Sarkozy et ses proches reprennent au plus haut degré les pires habitudes de mélange entre l’Etat, le pouvoir et ses clans et le monde économique. Cela ne peut être accepté« .
Le président se défend de tout calcul personnel : « La politique de nominations du gouvernement est toujours fondée sur le même critère : la compétence, la compétence et encore la compétence« , a-t-il martelé, « J’observe que lorsqu’il s’agit de nommer quelqu’un de compétent qui vient de la gauche, ça ne vous intéresse pas. Je ne peux pas nommer que des gens de gauche« , a-t-il dit aux journalistes. Comme toujours, il fait une pirouette sarcastique. Il fait aussi un clin d’oeil à la gauche qui le lui rend bien : plusieurs ténors socialistes approuvent ouvertement cette pratique ou se gardent de la contester.
La présidence de la République a redit, le mercredi 25 février, que le président de la commission de déontologie du service public, qui doit se prononcer sur les transferts de hauts fonctionnaires vers le privé, l’a assuré dans un courrier que la nomination de François Pérol ne posait aucun « inconvénient pénal« . Mais Sarkozy transforme ces mots en « aucun problème« . Pourtant l’absence de risque pénal ne signifie pas qu’il n’y a pas de problème déontologique. On dirait que pour Sarkozy, tout est possible tant que ce n’est pas rendu répréhensible par une loi pénale. Et peu importe la morale !
Mais, quelles que soient les compétences du promu, il y a bien une question déontologique qui se pose. Sinon, pourquoi tant de remous et pourquoi avoir saisi la commission de déontologie dans l’antichambre pour lui arracher une pré-décision ?
Au-delà des compétences, il y a la question de la compatibilité des fonctions. N’importe qui pourra-t-il être autorisé désormais à être juge et partie au vu de ce seul critère des compétences ? On voit les conséquences qu’aurait une telle théorie si on l’appliquait à la Justice par exemple…
En réalité, les Français ne sont pas dupes et voient bien que ce n’est pas seulement ce critère qui a emporté la décision. Ils ont en mémoire la formation d’une commission arbitrale pour favoriser Bernard Tapie. Ils ont en mémoire aussi la réforme de l’audiovisuel qui permettra au chef de l’Etat de désigner qui il veut à la tête des télés et radios du service public et de de le révoquer quand bon lui semble. Le peuple voit très bien la confusion d’intérêts qui règne au sommet de l’Etat et de l’économie.
Alors, si on ajoute le profond sentiment d’injustice des Français qui souffrent de plus en plus de cette crise tandis que les riches prospèrent avec la complicité du pouvoir, on peut dire sans se tromper que l’UMP n’est pas impopulaire sans raison. Contrairement à la fusion de la Banque populaire et de la Caisse d’Epargne et de prévoyance qui va cumuler popularité et prévoyance, l’UMP ajoute à l’imprévoyance (caisses vidées par la loi TEPA et autres gabegies) la plus dangereuse des impopularités…