Le Conseil d’Etat saisit le Conseil constitutionnel

Mais oui, cela est possible. Et c’est la première application de la loi organique du 10 décembre 2009 qui a validé la réforme des institutions et prévu notamment que « tout justiciable peut soutenir, à l’occasion d’une instance devant une juridiction administrative ou judiciaire, qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit ». Trois affaires sont ainsi portées par le Conseil d’Etat à l’examen du Conseil constitutionnel.

Le 14 avril 2010, le Conseil d’Etat a renvoyé au Conseil constitutionnel trois « questions de constitutionnalité », ceci en application de la réforme de la Constitution de juillet 2008 entrée en vigueur le 1er mars 2010. Sitôt la réforme promulguée, le tribunal correctionnel de Paris avait décidé de transmettre à la Cour de cassation une demande de saisine du Conseil constitutionnel sur la constitutionnalité des dispositions de l’article 63-4 du code de procédure pénale relatives à la garde à vue. Mais pour le Conseil d’Etat, c’est une première application de la réforme !

Rappel de la réforme :

L’article 61-1 de la Constitution stipule que « tout justiciable peut soutenir, à l’occasion d’une instance devant une juridiction administrative ou judiciaire, qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit », rappelle le Conseil d’Etat dans un communiqué, et ce « à tous les stades de l’instance », y compris directement devant la Haute Juridiction administrative.

Cette « question prioritaire de constitutionnalité » doit alors être renvoyée devant le Conseil constitutionnel si 3 conditions sont réunies :

– la disposition en cause doit être applicable au litige ou à la procédure,
– elle ne pas avoir été précédemment déclarée conforme à la Constitution
– elle doit être nouvelle et présenter un « caractère sérieux ».

En l’espèce, les trois conditions sont évidemment réunies, vu que les requêtes émanent du Conseil d’Etat.

La première affaire (n° 323830) concerne la représentativité des associations familiales.

L’Union des familles en Europe conteste ainsi les dispositions de l’article L. 211-3 du code de l’action sociale et des familles qui font de l’UNAF (Union nationale des associations familiales) et des UDAF les interlocuteurs privilégiés des pouvoirs publics.

La deuxième affaire (n° 329290) a trait au préjudice de la naissance d’un enfant handicapé.

Les parents d’un fils myopathe réclament l’annulation de l’arrêt de la cour administrative d’appel de Paris qui lui-même confirme la décision du Tribunal administratif lequel a rejeté leur demande de réparation financière par le centre hospitalier Cochin pour la naissance et les conséquences dommageables de la naissance de leur enfant.

Or, on sait que l’article L. 114-5 du code de l’action sociale et des familles dit clairement que « nul ne peut se prévaloir d’un préjudice du seul fait de sa naissance ». La famille ne pouvant espérer réparation que si la personne est née avec un handicap dû à une faute médicale ou  » lorsque l’acte fautif a provoqué directement le handicap ou l’a aggravé, ou n’a pas permis de prendre les mesures susceptibles de l’atténuer ».

En l’espèce, ce que conteste la famille, c’est la rétroactivité de la réforme ainsi que la partie du texte qui dit « lorsque la responsabilité d’un professionnel ou d’un établissement de santé est engagée vis-à-vis des parents d’un enfant né avec un handicap non décelé pendant la grossesse à la suite d’une faute caractérisée » et qui ne prévoit pour ce cas d’indemnité qu’au titre de leur seul préjudice, à l’exception de toutes autres charges, les frais découlant, tout au long de la vie de l’enfant, de ce handicap. Le législateur renvoie pour ces cas à la solidarité nationale.

Enfin, la troisième affaire (n° 336753) concerne le principe d’égalité et plus particulièrement ici l’égalité dans les pensions des anciens combattants.

Ce qui est contesté, c’est la constitutionnalité de dispositions de lois de finances votées entre 1959 et 2006 et relatives à la fixation des pensions militaires servies par la France aux étrangers ressortissants de pays anciennement placés sous sa souveraineté, son protectorat ou sa tutelle.

En effet, les requérants soutiennent que l’application de ces mesures a créé des conditions d’inégalité en permettant que certaines de ces pensions soient « moins élevées que celles servies aux pensionnés français ».

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